Réfugiés dans leurs igloos de neige à l’abri du froid, les Tétras-lyres n’ont jamais connu pareille quiétude. L’hiver alpin a été rude, et les ressources bien maigres, mais cette année, ils ont pu économiser leur énergie vitale jusqu’au bout. Tout cela grâce à… une petite chauve-souris asiatique. Là où, d’ordinaire, la rumeur des remontées mécaniques pollue l’orée des forêts qu’ils affectionnent tant, il ne règne aujourd’hui que le silence. Habitués à s’enfuir au passage des skieurs hors-piste, ils n’ont désormais plus à subir le stress de leur présence. La pandémie a dévasté le ski alpin, et les Tétras-lyres s’en portent bien. Et pas qu’eux : à défaut d’avoir été compactée et recompactée par les skieurs et les dameuses, la neige recouvrant les prairies a protégé, sans l’écraser, la dynamique de toute une vie végétale et entomologique qui n’attend que le printemps pour éclore.
Mais voilà qu’au Japon, des chercheurs ont montré que les pistes de ski soigneusement entretenues offraient un refuge à certaines espèces patrimoniales, telle que la délicate Angélique pubescente. A cause d’un déclin notable d’intérêt pour le ski dans l’archipel, ils craignent que la biodiversité des vieilles prairies disparaisse. De quoi donner des arguments scientifiques aux promoteurs qui lorgnent la montagne… Dans nos Alpes, les Tétras-lyres, effrayés de la nouvelle, s’insurgent : « Le ski, c’est assez ; les prai-ries, aux gal-li-na-cés! » Mais au fond, il importe moins de savoir si les sports d’hiver favorisent la biodiversité ou la détruisent, que de trouver une façon de les réinventer pour le bénéfice des Tétras-lyres aussi bien que des hommes. Le statu quo de la pandémie semble vouloir nous offrir le temps de cette réflexion.