Eloi Laurent est un économiste doué pour la provocation. Intervenant dans un colloque consacré aux « Solutions fondées sur la nature », il a déclaré tranquillement : « je représente une discipline où nous avons inventé des problèmes fondés sur la nature : des concepts hérités du monde naturel mais qui n’en tiennent aucun compte. La « concurrence efficace » par exemple, qui oblitère la coopération et l’intelligence collective. Ou encore la croissance : il est certes « naturel » de croître, mais c’est un indicateur qui ne tient aucun compte des ressources naturelles ni des écosystèmes ». En trois phrases, voilà les économistes rhabillés pour l’hiver, l’été, et la demi-saison. Dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, le directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) Bruno Oberlé, économiste lui-même, ne dit pas autre chose. Pour lui comme pour Eloi Laurent, l’économie est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux économistes : la protection de la nature, de la biodiversité, des écosystèmes, passe par l’investissement de ce champ-là. C’est bien de travailler, dans chaque pays, avec les ministères chargés de l’écologie. Mais c’est aux ministres de l’économie qu’il convient de tenir la dragée haute. Pour contester l’influence délétère des « Chicago boys », ces VRP d’un néo-libéralisme qui ne produit que misère, inégalités et saccage des biens communs, écosystèmes ou services publics. Pour repenser nos modes de production et de consommation, notre relation au monde vivant. « It’s the economy, stupid ! » (« l’économie, crétin ! ») était le mantra de James Carville, le stratège de la campagne électorale de Bill Clinton en 1992. Le slogan n’a pas pris une ride.
The economy, stupid !
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