Inquiétudes et frustration autour du futur traité sur la haute mer

Erich Westendarp de Pixabay

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Erich Westendarp de Pixabay
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A quelques jours de la fin prévue des négociations, les Etats membres de l’ONU ont encore un travail énorme devant eux pour donner enfin vie au traité sur la haute mer qui fait face, selon les défenseurs des océans, à un risque d’étiolement.

« Il y a eu des progrès la semaine dernière », a déclaré lundi à l’AFP Nathalie Rey, de la High Seas Alliance qui regroupe une quarantaine d’ONG.  « Le temps presse et le rythme doit s’accélérer pour cette deuxième semaine pour assurer que le traité passe la ligne d’arrivée », a-t-elle ajouté, assurant rester « optimiste » sur un succès.  Mais d’autres sont moins positifs. « Les négociations tournent en rond, progressant à la vitesse d’un escargot », a dénoncé dans un communiqué Laura Meller, de Greenpeace.   Reconnaissant les « nombreux problèmes qui persistent », la présidente des négociations Rena Lee a appelé lundi lors d’une courte séance plénière les négociateurs à être « flexibles et créatifs ».  Flexibles mais pas au prix de l’ambition, a insisté le représentant de la Jamaïque: « Regardez vers l’avenir, cherchez le meilleur résultat, montrez comme vous pouvez être flexibles ou nous ne parviendrons pas à un accord; et cette session, et les 20 dernières années seront un échec dont nous serons les seuls responsables ».  Après plus de 15 ans de discussions informelles puis formelles, les délégations sont réunies depuis le 20 février pour la troisième « dernière » session de négociations en moins d’un an.  Le projet de texte actualisé publié ce week-end est toujours truffé de parenthèses et de multiples options sur certains sujets majeurs qui détermineront la robustesse du texte.  En particulier la création des aires marines protégées, outil emblématique de ce futur traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ».  Sur ce chapitre, « à la fin des négociations en août le texte était bon à 95%, mais nous sommes inquiets qu’il soit affaibli », a indiqué à l’AFP Minna Epps, de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

La Chine dans le collimateur

Selon plusieurs sources à l’intérieur de ces négociations, interrogées par l’AFP, la Chine fait pression pour que la future Conférence des parties (COP, qui rassemblera les signataires) ne puisse créer ces sanctuaires que par consensus et non par un vote à la majorité qualifiée. Un moyen d’imposer de fait un droit de veto, utilisé par Pékin depuis des années pour empêcher la création d’autres aires marines protégées par la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR).  « La Chine doit urgemment réinventer son rôle dans ces négociations », a souligné Laura Meller, l’appelant à montrer le même leadership qu’en décembre où sous sa présidence, l’ensemble des gouvernements du monde se sont engagés à protéger 30% des terres et des océans de la planète d’ici 2030.  Un défi quasi impossible sans inclure la haute mer, dont environ 1% seulement est protégé aujourd’hui.  La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes, elle n’est donc sous la juridiction d’aucun pays.  Alors qu’elle représente 60% des océans et près de la moitié de la planète, elle est cruciale pour la protection de l’océan tout entier, vital pour l’humanité mais menacé par le changement climatique, les pollutions en tous genres et la surpêche.  Autre sujet contentieux dans ces négociations prévues jusqu’à vendredi, les modalités d’application de l’obligation d’évaluer l’impact sur l’environnement d’activités envisagées en haute mer.  La répartition des possibles bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques de la haute mer, où industries pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques espèrent découvrir des molécules miraculeuses, divise également pays riches et pays pauvres inquiets d’être privés de leur part du gâteau.  Sur ce point, « nous sommes assez proches d’un accord », a assuré un négociateur à l’AFP. Un sujet hautement politique et symbolique qui pourrait débloquer certains autres, estiment des observateurs.  Quels que soient les compromis, « nous avons besoin d’un traité qui change le statu quo », souligne à l’AFP Andreas Hansen, de l’ONG The Nature Conservancy.  « Sinon il ne pourra pas aider à arrêter et inverser la disparition de la biodiversité dans les océans ».