Dans le cadre du projet de recherche RENEssences (Réseau national d’évaluation de nouvelles essences), l’Office National des Forêts a mis en place dans les forêts françaises des « îlots d’avenir » pour établir les forêts de demain, plus résiliente au changement climatique. Pour répondre aux critiques du public et des associations, l’ONF tente de justifier la pertinence de ce programme.
Implantés un peu partout en France, les « îlots d’avenir » sont des parcelles de 0,5 à 5 hectares sur lesquelles sont implantées de nouvelles essences déjà accoutumées à un climat chaud et sec, provenant du sud de la France et parfois même de l’Europe de l’Est, de la Turquie ou encore des États-Unis. Ces « laboratoires à ciel ouvert », comme les appelle l’Office National des Forêts (ONF), permettent de recueillir des données sur la croissance des arbres, leur mortalité éventuelle, leur adaptation au terrain et au climat. Cela dans le but d’établir la forêt résiliente de demain, « au cœur des forêts publiques d’aujourd’hui ».
Ces parcelles de terrain qui, selon l’ONF, ne s’apparentent en rien à une « colonisation massive » d’essences exotiques, inquiètent tout de même le public et les associations de protection de l’environnement. Les opposants craignent que ces essences introduites un peu partout en France se développent et fassent disparaître la végétation locale ou qu’elles dénaturent les forêts françaises.
L’ONF souligne toutefois que s’il « continue de privilégier la régénération naturelle chaque fois qu’elle est possible, les contraintes actuelles conduisent à étudier tout un panel de solutions, mis en place avec le soutien et l’accompagnement de partenaires scientifiques tels que l’INRAE ». Convaincu de l’efficacité de ces installations, l’ONF tient à rassurer : « Les essences lointaines ne représentent qu’une petite partie des îlots d’avenir (moins de 7% prévus dans le cadre du plan de relance). Le paysage forestier français, en plein bouleversement, ne va pas subir pour autant une transformation radicale ! » L’établissement public précise que « le but est d’introduire des arbres de zones du Sud, qui, en se reproduisant avec les arbres locaux, feront naître une nouvelle génération capable à la fois de supporter des conditions plus sèches, mais également de résister au gel. Une condition sine qua non pour que les arbres soient adaptés au climat d’aujourd’hui comme à celui de demain ».
Les îlots d’avenir et ces espèces invasives feront-ils disparaître la végétation locale ? « Il existe des espèces très envahissantes, capables de s’implanter dans n’importe quelles conditions de sol et de climat, à tel point qu’on ne maîtrise plus rien. Le risque existe et les spécialistes savent qu’un arbre invasif pourrait fragiliser tout l’écosystème ». Mais l’ONF affirme maîtriser la situation : un suivi strict et régulier est mis en place par les forestiers afin de vérifier le caractère éventuellement envahissant des nouvelles espèces introduites dans les forêts publiques. En revanche, l’ONF admet que ces îlots risquent de créer un brassage génétique et par conséquent de dénaturer en quelque sorte les forêts françaises. Cependant, il explique que c’est « inexact de penser que cela est dangereux. En effet, si une essence locale sensible à la sécheresse se reproduit avec une variété (provenance) du sud, plantée justement pour son caractère résistant à la sécheresse, c’est une chance. Ce brassage entre deux bagages génétiques différents est le moteur d’une meilleure adaptation de la génération suivante aux évolutions climatiques. »