Le président brésilien Jair Bolsonaro a promis, dans une lettre adressée jeudi 15 avril à son homologue américain Joe Biden, de mettre fin à la déforestation illégale en Amazonie d’ici 2030, même si les surfaces déboisées n’ont cessé d’augmenter depuis son arrivée au pouvoir.
Le président Brésilien Jair Bolsonra a envoyé une lettre à Joe Biden, président des États-Unis promettant de mettre fin à la déforestation illégale en Amazonie. Il a précisé que cet objectif ne pourrait être atteint qu’avec « des moyens importants » et qu’il espérait compter sur « tout le soutien possible » de la communauté internationale, des entreprises et de la société civile. « Nous voulons réaffirmer notre soutien sans équivoque aux efforts entrepris par votre Excellence (Biden) et notre engagement à éradiquer toute déforestation illégale au Brésil d’ici 2030« , a écrit le président brésilien. M. Bolsonaro prendra part les 22 et 23 avril à un sommet virtuel sur le climat organisé par Joe Biden, avec une quarantaine de dirigeants mondiaux.
Si le Brésil recevait un milliard de dollars d’aide de la communauté internationale, il serait en mesure de réduire jusqu’à 40% la déforestation illégale dans la forêt amazonienne, a ensuite indiqué le ministre de l’Environnement brésilien Ricardo Salles lors d’un entretien avec l’AFP. « Si nous avions cette ressource d’un milliard de dollars (…) à partir du mois de mai et pour une période de 12 mois, il est possible de s’engager vers une réduction de 30 à 40% de la déforestation« , a-t-il déclaré lors d’une interview à Brasilia. Cette éventuelle aide d’un milliard de dollars (830 millions d’euros) servirait, selon M. Salles, à renforcer « les actions de contrôle [contre la déforestation illégale] et, en même temps, à créer une alternative économique » pour les 25 millions de personnes qui vivent dans la région nord de l’Amazonie, l’une des plus pauvres du Brésil malgré ses vastes ressources naturelles.
200 organisations de la société civile brésilienne ont répondu et ont également envoyé une lettre ouverte au Président des États-Unis pour lui demander de ne pas soutenir les politiques environnementales destructrices de Bolsonaro. Les signataires de la lettre tentent de prendre des précautions avant le sommet sur le climat qui s’inscrit dans le cadre des efforts du président américain Joe Biden pour repositionner son pays en tant que leader international dans la lutte contre le changement climatique. « Mais le président Biden ne pourra pas obtenir une quelconque position de leader en matière de climat s’il participe à des négociations en coulisses avec le gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro », soutient Greenpeace dans un communiqué.
Le Brésil s’était déjà engagé à mettre fin à la déforestation illégale d’ici 2030 au moment de signer l’accord de Paris sur le climat, en 2015. Mais sa capacité à tenir ces engagements a été mise en doute avec l’arrivée au pouvoir en janvier 2019 de Jair Bolsonaro, favorable à l’exploitation minière et agricole de réserves naturelles et de territoires indigènes. Au cours de son mandat, la déforestation et les feux de forêt en Amazonie ont atteint des niveaux extrêmement préoccupants. Entre août 2019 et juillet 2020, période de référence utilisée pour compiler les données officielles par satellite, la déforestation a augmenté de 9,5% par rapport aux 12 mois précédents, avec une surface déboisée équivalente à celle de la Jamaïque.
La politique environnementale du gouvernement Bolsonaro est régulièrement critiquée par les écologistes, qui s’inquiètent notamment de réductions drastiques de budget et de personnel d’agences environnementales comme l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles (Ibama).
Dans sa lettre de jeudi au président américain, Jair Bolsonaro se dit « prêt à travailler avec la communauté internationale pour la protection de l’environnement et le développement durable en Amazonie ». Mercredi 14 avril, six jeunes militants écologistes ont lancé une action en justice contre le gouvernement Bolsonaro, qui a revu à la baisse en décembre ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de l’Accord de Paris. La semaine dernière, un collectif d’ONG et de représentants de l’agronégoce au Brésil avait déjà réclamé au gouvernement des objectifs « plus ambitieux » pour lutter contre le réchauffement climatique.
Suite à la missive de Jair Bolsonaro, le cacique Raoni Metuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, a mis en garde le président Joe Biden contre les « mensonges » de son homologue brésilien. « Il a dit beaucoup de mensonges« , a déclaré le chef indigène au plateau labial dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux par l’Institut Raoni. « Si ce mauvais président vous dit quelque chose, ignorez-le. Il veut autoriser la déforestation et stimuler les intrusions sur nos terres« , a-t-il ajouté dans son message de quatre minutes adressé à Joe Biden, enregistré dans sa langue Kayapo, sous-titré en anglais et en portugais. Raoni a également réclamé au président américain de l’aide « pour trouver une voie, une solution pour préserver l’environnement« . « Aidez-moi et je vous aiderai aussi, pour qu’on puisse faire de bonnes choses. Je ne sais pas prononcer votre nom, mais vous me connaissez. Je m’appelle Raoni et je ne suis pas là pour plaisanter. J’ai toujours lutté pour la forêt« , a-t-il poursuivi. « Je suis triste parce que tout ce que j’ai fait pour l’environnement est de plus en plus menacé« , a résumé le cacique de 90 ans, qui semblait en bonne forme après avoir été hospitalisé à deux reprises l’an dernier, une première fois à cause d’ulcères gastriques et la deuxième après avoir été malade du Covid-19.
Les Etats-Unis ont quant à eux salué l’engagement du président Bolsonaro à mettre fin à la déforestation illégale en Amazonie d’ici 2030, mais ont réclamé des « mesures immédiates » pour obtenir des « résultats concrets« . « Le fait que le président Bolsonaro ait confirmé l’engagement à éliminer la déforestation illégale est important« , a dit l’envoyé spécial de Joe Biden pour la diplomatie climatique, John Kerry. « Nous attendons des mesures immédiates et un dialogue avec les populations indigènes et la société civile pour faire en sorte que cette annonce se traduise en résultats concrets« , a-t-il ajouté dans un tweet.