Le gouvernement prépare un plan pour les pollinisateurs pour contrebalancer les effets de la loi autorisant la réintroduction des néonicotinoïdes, validée par le Conseil Constitutionnel le 10 décembre 2020. Présenté quelques jours plus tard aux « parties prenantes », ce nouveau « plan » ne suscite aucun enthousiasme.
Le 18 décembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili a présenté les avancées du « plan pollinisateurs » qui s’articule autour de quatre axes : l’amélioration des connaissances sur les pollinisateurs, la mobilisation de leviers économiques, la lutte contre les agresseurs de la ruche et la protection des pollinisateurs contre les produits phytosanitaires. « Il s’agit d’un travail effectué en interne entre le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Agriculture, sans grande consultation des parties prenantes, regrette Samuel Jolivet, directeur de l’Office pour les Insectes et leur Environnement (OPIE). La grande question est de savoir quelle va être l’interaction entre ce « plan pour les pollinisateurs » et le plan national d’action (PNA) en faveur des pollinisateurs sauvages ? On n’a aucune information », explique Samuel Jolivet.
Le PNA « France, terre de pollinisateurs » a été lancé au printemps 2016 avec pour objectif d’enrayer le déclin des insectes pollinisateurs. 84% des cultures dépendent de la pollinisation par les insectes pollinisateurs également dits « sauvages », or ces derniers sont en déclin. Ce plan ne s’intéresse pas à une seule espèce, ou un seul petit groupe d’espèces, mais bien à un « service » global rendu par les écosystèmes, explique l’OPIE, chargé de la rédaction de ce PNA. Pour y arriver, le plan vise à susciter la mobilisation des acteurs et mise sur le potentiel d’essaimage et de démultiplication des actions, pour réussir ses objectifs globaux : enrayer le déclin de ces insectes et maintenir leurs populations en préservant ou restaurant leur habitat et leurs conditions de développement, ainsi qu’en améliorant les ressources florales, bases de leur alimentation, en quantité, diversité et qualité.
Le nouveau plan en faveur des pollinisateurs arrive au moment où tout d’abord le gouvernement autorise la réintroduction des néonicotinoïdes sur certaines cultures, où le cadre européen concernant les pesticides est toujours attendu (depuis presque 7 ans !), et dans un contexte où les populations d’insectes pollinisateurs sont en très mauvais état. « Les populations de pollinisateurs sont en grande difficulté, et on se focalise surtout sur les abeilles domestiques » souligne Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement (FNE) en charge de la biodiversité. Selon lui, ce plan se concentre trop sur les espèces domestiques et pas assez sur les études qui montrent l’effondrement des autres populations comme les abeilles sauvages, les papillons et les bourdons.
Tout comme Samuel Jolivet, Jean-David Abel note la propension qu’a le gouvernement à minorer l’importance de cette catégorie de pollinisateurs qui joue un rôle essentiel à la fois pour les cultures et pour l’ensemble du vivant notamment dans la chaîne trophique. « On se trouve dans une situation dans laquelle le plan est insuffisant car propose une série de mesures pour améliorer les connaissances des espèces, de lutte sur les agresseurs de la ruche, un accompagnement économique des apiculteurs professionnels, mais ce qui est le plus faible c’est la question de l’épandage des pesticides. Là-dessus le plan n’est pas assez courageux » soutient M. Abel.
En parallèle, l’exécutif prévoit une révision de l’arrêté « abeilles » de 2003 qui interdit le traitement des cultures par des insecticides pendant la période de floraison et pendant la période de production d’exsudats, quels que soient les produits et l’appareil applicateur utilisés, sur tous les peuplements forestiers et toutes les cultures visitées par ces insectes. Le projet d’arrêté prévoit d’étendre cette interdiction aux fongicides et aux herbicides avec possibilité de traitement après le coucher de soleil pour les produits portant la mention « abeilles ». « C’est un sujet crucial, on voit que la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), fait pression sur le gouvernement pour vider le projet de son sens », explique le vice-président de la FNE.
La FNSEA a en effet appelé le Premier Ministre à « retrouver la voie du dialogue » pour revoir les mesures proposées et éviter aux agriculteurs de travailler de nuit pour traiter leurs cultures. La Fédération considère que ce projet d’arrêté risque de créer de nouvelles distorsions de concurrence pour les agriculteurs français qui n’auront plus accès à certains produits de traitement, alors que les agriculteurs des autres pays européens continueront à les utiliser. Par conséquent « la France va prendre la voie de la réduction de sa propre production au profit des importations », indique la FNSEA dans un communiqué. « Le gouvernement n’arrive pas à s’affranchir, il s’abrite derrière l’Europe pour ne pas agir de façon plus volontaire et courageuse, déplore Jean-David Abel, Les politiques publiques ne sont ni à la hauteur de l’effondrement des populations de pollinisateurs sauvage, ni à la hauteur des travaux scientifiques qui documentent de manière très précise ce qui porte atteinte à ces populations. À partir du moment où le gouvernement ne s’attaque pas au nœud de la question des pollinisateurs qui est l’utilisation de pesticides, eh bien il manque la cible de façon très importante ».