Des banques françaises ont fourni environ deux milliards d’euros à des entreprises agroalimentaires favorisant la déforestation en dépit d’une loi qui leur interdit de financer les dégâts environnementaux, selon l’analyse d’une ONG spécialisée consultée par l’AFP.
Trois ans après l’adoption par la France d’une législation historique, obligeant les sociétés à identifier et à prévenir toute violation des droits de l’Homme ou dégradation de l’environnement dans leur chaîne d’approvisionnement, de grands bailleurs de fonds continuent de financer des projets favorisant la déforestation dans la partie brésilienne de l’Amazonie, le Bassin du Congo et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, selon une enquête de l’ONG Global Witness. Cette ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles estime que BNP Paribas, Natixis et le Crédit Agricole « ont toutes des politiques et des engagements dans les matières premières agricoles qui risquent de favoriser la déforestation« . L’AFP a contacté ces trois banques, mais Natixis n’a pas souhaité commenter ce rapport et le Crédit Agricole a assuré qu’il n’était pas en mesure de le faire. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Les forêts absorbent d’énormes quantités de CO2, responsable du réchauffement de la planète et sont des sanctuaires vitaux pour la biodiversité. Mais chaque année, une région boisée aussi grande que l’Angleterre et le pays de Galles disparaît. L’année dernière, Natixis a contribué à hauteur de 45 millions d’euros à une ligne de crédit renouvelable attribuée au groupe agroalimentaire Olam International. Or, un rapport de 2016 du groupe de pression environnemental Mighty Earth accusait ce groupe d’avoir causé la déforestation de 20.000 hectares au Gabon pour y créer une grande usine d’huile de palme. « Nous réfutons fermement les allégations concernant une déforestation irresponsable ou conversion de terres« , a affirmé à l’AFP un porte-parole d’Olam. Il a précisé que son groupe travaillait étroitement avec le Gabon pour trouver « un équilibre entre les besoins de développement et l’impératif de préserver les forêts« .
Selon Global Witness, le Crédit Agricole apparaît comme le principal bailleur de fonds dans le rapport annuel 2018 de Halcyon Agri. Greenpeace a affirmé en 2018 que cette firme avait pris le contrôle deux ans plus tôt d’une usine de caoutchouc au Cameroun, responsable depuis longtemps de la déforestation et rasé 2.300 hectares supplémentaires de forêt entre 2016 et 2018. En 2017, le Crédit Agricole était la banque pilote d’une émission de dette de 300 millions de dollars (274 millions d’euros) réalisée pour le compte du groupe chinois Sinochem, actionnaire majoritaire d’Halcyon Agri selon la base de données Thomson Eikon. En juillet de la même année, la banque a encore fourni 10 millions de dollars de garanties pour des opérations de Sinochem, selon Global Witness. Sollicités par l’AFP, Halcyom et Sinochem se sont refusé à tout commentaire. Enfin, bien qu’elle se soit engagée en 2015 à des investissements respectant le principe « zéro déforestation« , BNP Paribas a participé en 2019 à une émission de 500 millions de dollars d’obligations de transition pour le compte de Marfrig, géant brésilien de la viande de bœuf, souligne Global Witness.
Or, selon Daniel Brindis chez Greenpeace, Marfrig, dont les sources d’approvisionnement sont variées, « ne peut assurer systématiquement que les fermes qui vendent à ses fournisseurs directs ne sont pas liées à la déforestation« . Marfrig a refusé de répondre aux questions de l’AFP. BNP Paribas a de son côté assuré à Global Witness, dans un courrier consulté par l’AFP, que cette émission de dette visait précisément à réduire les problèmes de déforestation et de droits fonciers au sein de la chaîne d’approvisionnement en bétail de Marfrig, notamment grâce à une surveillance par satellite de la densité de la végétation dans les zones où opère le géant brésilien. BNP Paribas a été le garant principal d’une émission d’obligations d’un milliard de dollars réalisée en mai 2019 pour le compte d’une filiale de Marfrig, NBM US Holdings, selon Thomson Eikon. La banque a également géré des obligations estimées à un million de dollars pour Sinochem International. La banque a affirmé à Global Witness que tous ses clients en Amazonie « étaient certifiés ou engagés dans un processus de certification » pour s’assurer que leurs pratiques étaient responsables.
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