Les incendies qui détruisent la forêt amazonienne, et leur gestion par le président Jaïr Bolsonaro, ont conduit plusieurs Etats européens dont la France à remettre en cause l’accord de libre-échange très critiqué entre l’Europe et l’Amérique latine.
Fin juillet, alors que l’Amazonie était déjà la proie des flammes bien au-delà des seuils d’incendies enregistrés les années précédentes, la diplomatie française travaillait encore à un accord avec le Brésil du président Bolsonaro. Les ministres des Affaires étrangères des deux Etats annonçaient la création d’un « groupe de travail bilatéral sur les enjeux environnementaux et climatiques », sujets au coeur de l’accord commercial entre le Mercosur (marché commun des Etats latino-américains) et l’Union Européenne. « Je souhaite que nous poursuivions des discussions approfondies sur les enjeux environnementaux et climatiques, déclarait le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian aux côtés de son homologue brésilien Ernesto Araujo à Brasilia. Nous avons convenu de constituer un groupe de travail bilatéral pour évoquer ensemble toutes les questions liées a l’environnement, au climat, la préservation de la biodiversité et la lutte contre la déforestation, ajoutait-il, tout en soulignant l’importance de la décision prise par M. Bolsonaro de maintenir le Brésil dans l’accord de Paris sur le climat et de le mettre en oeuvre rapidement ».L’accord de libre-échange UE-Mercosur prévoit notamment un engagement des deux parties à lutter contre le changement climatique et contre la déforestation. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Trois semaines plus tard, le ton avait radicalement changé. Le 23 août, l’Irlande menace de voter contre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur si le Brésil ne protège pas la forêt amazonienne en proie à de violents incendies. « Il n’y pas moyen que l’Irlande vote pour l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur si le Brésil ne respecte pas ses engagements environnementaux,prévient le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, dans une déclaration transmise à l’AFP. Je suis très inquiet des niveaux records de destruction par le feu de la forêt amazonienne cette année », a-t-il complété. Dans la foulée, Emmanuel Macron a accusé le président brésilien Jair Bolsonaro d’avoir « menti » sur ses engagements climatiques et décidé en conséquence de s’opposer lui aussi à l’accord de libre-échange UE-Mercosur. « Très concrètement, l’Amazonie brûle et c’est une question qui concerne le monde entier parce que c’est aujourd’hui une source de biodiversité. Ca concerne le monde, ça concerne la France. On l’oublie souvent, le président brésilien, l’oublie: la France elle est en Amazonie. La plus grande frontière extérieure de la France c’est entre la Guyane et le Brésil »,a rappelé le président Macron au site Konbini.
En Irlande comme en France, la signature en juin de l’accord UE-Mercosur avait suscité une levée de boucliers tant des organisations agricoles que des ONG environnementales. Intervenant au moment du débat à l’Assemblée nationale du traité du même type conclu entre l’UE et le Canada (le CETA), l’annonce de cet accord avec le Mercosur avait ébranlé la majorité présidentielle. De la même façon, en Irlande, le traité inquiète les éleveurs de boeufs qui redoutent la concurrence de la viande sud-américaine. A l’inverse, l’Allemagne, qui redoute d’entrer dans une phase de récession économique, reste farouchement attachée à l’accord avec le Mercosur : la décision du président français Emmanuel Macron de s’opposer à l’accord « n’est pas la réponse appropriée »aux incendies dans la forêt amazonienne au Brésil, estime un porte-parole du gouvernement allemand. Pour Berlin, « l’échec de la conclusion de l’accord Mercosur ne contribuerait pas à réduire le défrichement de la forêt tropicale au Brésil, selon le porte-parole du gouvernement, sollicité par l’AFP. Cet accord est un signal fort en faveur d’un commerce fondé sur des règles et contre le protectionnisme. Il permet un commerce mondial ouvert et équitable, avec des normes environnementales et sociales élevées, qui sont essentielles pour le gouvernement allemand ».
Il serait tentant de conclure que les positions des Etats européens sur l’avenir du traité commercial UE-Mercosur dépendent plus de leur situation de politique intérieure que de considérations liées à la situation de l’Amazonie.
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