La finance et l’agroalimentaire veulent protéger les océans et la biodiversité (3 mn)

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Protéger les tortues, extirper le plastique des mers ou transformer l’économie liée aux océans exige des sommes colossales : un défi auquel la finance commence à s’attaquer en associant les fonds à des objectifs responsables. Réunis à New York, des géants de l’agroalimentaire ont quant à eux promis de protéger la biodiversité.

« Nous dépendons des océans » qui font travailler 60 millions de personnes et représentent 1.500 milliards de dollars dans l’économie mondiale chaque année, « et les océans dépendent de nous« , martèle la Banque mondiale, en déplorant notamment que 8 millions de tonnes de plastique y soient déversées chaque année. Pour la sphère financière, beaucoup de choses se jouent sur le terrain de la dette, généralement qualifiée de « verte« , principale source de financement de la transition climatique. L’argent levé sur les marchés doit être consacré à des projets favorables à l’environnement, qui font ensuite l’objet d’audits privés. Dans le cas des océans, cela peut par exemple financer « l’extension d’aires marines protégées« , illustre Marine de Bazelaire, directrice du développement durable chez HSBC pour l’Europe continentale. Et de rappeler qu’au-delà des pollutions -« 86% des tortues marines contaminées par les plastiques » – les océans « captent aussi 30% des émissions de gaz à effet de serre« . Selon elle, « de plus en plus d’investisseurs souhaitent démontrer l’impact positif de leurs investissements, cela nourrit donc une dynamique vertueuse« . [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Mais si la dette verte se développe exponentiellement, lever des fonds sur les marchés requiert un montant conséquent, a minima plusieurs centaines de millions, ce qui n’est pas forcément adapté pour toutes les activités liées aux océans que recouvre l’économie bleue. Cette dernière « est plutôt fragmentée« , avec des besoins rarement supérieurs à 50 millions de dollars, explique Richard Mattison, dirigeant de Trucost, spécialisé dans l’analyse des risques environnementaux au sein de S&P. « Les prêts bancaires sont donc souvent plus appropriés« , complète-t-il, en prenant l’exemple d’un « pêcheur qui fournit un supermarché » et qui voudrait rendre son activité moins polluante, forcément plus enclin à solliciter sa banque. Le secteur financier commence certes aussi à développer des crédits où les taux consentis sont d’autant plus bas que les projets sont vertueux, mais ce marché n’en est qu’à ses débuts. La contribution de la finance peut aussi prendre une forme plus volontariste, à l’instar des « Principes de Poséidon« , lancés en juin 2019 par 11 banques dont deux françaises, Société Générale et Crédit Agricole ainsi que par des poids lourds de l’industrie, comme notamment A.P. Møller Mærsk ou Euronav. « Il s’agit de prendre la mesure de la performance énergétique des navires que nous finançons, de la publier chaque année avec pour objectif de réduire de 50% en valeur absolue les émissions de gaz à effet de serre« , explique Alexandre Amedjian, responsable des financements maritimes pour l’Europe chez Société Générale CIB. « C’est un effort colossal qui porte sur environ un quart du portefeuille mondial de l’industrie maritime, soit quelque 100 milliards de dollars« , précise-t-il. Et cela s’accompagne d’un système de prêts avec de meilleures conditions pour les plus efficaces.

Une chose est sûre, « les capitaux ne manquent pas« , résume M. Mattison. Mais pour que l’argent aille au bon endroit, il faut des règles communes. La commission européenne a déjà travaillé avec plusieurs organisations dont le WWF et la Banque européenne d’investissement (BEI) sur de grands principes pour un financement responsable de l’économie bleue. Publiés en janvier 2018, ils offrent un premier cadre bienvenu. « C’est surtout sur le terrain de la régulation » qu’il faut agir sinon « dans 30 ans nous ne pêcherons peut-être plus que des méduses« , estime Sean Kidney, le patron de Climate Bonds Initiave, organisme international de référence. « Certains défis sont vraiment des problèmes de dette, comme les infrastructures de gestion d’eau mais d’autres, à l’instar de la prolifération des plastiques, relèvent plus de politiques publiques et d’une prise de conscience mondiale« , estime également Tanguy Claquin, responsable mondial de la finance sociale et environnementale de Crédit Agricole CIB. Selon M. Kidney, il faut peut-être commencer par le développement immobilier côtier, qui offre « clairement une opportunité d’en mettre un coup, après avoir passé les 100 dernières années à détruire les côtes« .

Dix-neuf entreprises, parmi lesquelles des géants du secteur agroalimentaire, ont quant à elles présenté lundi 23 septembre une « coalition » qui s’est engagée à protéger la biodiversité, au cours du sommet Action Climat des Nations Unies, à New York. Parmi ces entreprises, Danone, le géant du chocolat Barry Callebaut, le fabricant de céréales pour le petit déjeuner Kellog, Mars, McCain Foods, Nestlé, Unilever, mais également des entreprises comme Google, Balbo Group, DSM, Firmenich, Jacobs Douwe Egberts, Kering, Livelihoods Funds, L’Oréal, Loblaws, Migros Tigaret, Symrise et Yara, selon un communiqué publié par Danone. Ensemble, elles forment une coalition baptisée « One Planet Business for Biodiversity » (OP2B), qui va collaborer avec le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui regroupe plus de 200 entreprises dont BP, ExxonMobil ou Shell. Les entreprises qui composent cette nouvelle coalition présentée aux Nations unies par Emmanuel Faber, président-directeur-général de Danone, s’engagent à « protéger et restaurer la biodiversité au sein de leurs chaînes d’approvisionnement et de leurs portefeuilles de produits« . « Face aux impasses alimentaires et agricoles vers lesquelles nous allons, il est urgent de travailler avec la nature et non plus contre elle. C’est l’objectif de la coalition que nous avons lancée aux Nations Unies aujourd’hui : restaurer la vie dans les sols agricoles, réintroduire la biodiversité cultivée dans nos champs, et changer radicalement la donne sur la déforestation« , a déclaré M. Faber, cité dans le communiqué. La coalition s’est engagée à élaborer d’ici juin 2020 « un recueil de solutions pertinentes et dont l’impact est mesurable, qui peuvent être adoptées par les membres de OP2B dans leurs chaînes de valeur« . Elle promet également la présentation d’ici octobre 2020 « d’engagements ambitieux – mesurables et avec des horizons de temps définis – lors de la COP15 de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), assortis de propositions de politiques publiques qui favoriseront le succès des initiatives mises en oeuvre« . Les multinationales signataires représentent un chiffre d’affaires cumulé de près de 500 milliards de dollars, rappelle le communiqué.

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