Le mastodonte gît au fond de l’eau, mais en surface la mer a continué de brûler: le naufrage du pétrolier iranien Sanchi pourrait provoquer une catastrophe écologique majeure en mer de Chine orientale.
Le bâtiment, qui transportait 136.000 tonnes de condensats, des hydrocarbures légers, a sombré dimanche après avoir brûlé pendant une semaine à la suite d’une collision avec un cargo à environ 300 km à l’est de Shanghai. Seuls trois corps ont été récupérés sur les 32 membres d’équipage qui se trouvaient à bord, 30 Iraniens et deux Bangladais. Il n’y a aucun espoir de retrouver des survivants et les opérations de recherche ont été interrompues. « Des nappes d’hydrocarbures en provenance du bateau continuent à brûler » à la surface de l’eau, a indiqué lundi matin le ministère chinois des Transports. D’après la télévision nationale, l’incendie a cessé vers 10h00 locales.
Des navires équipés de lances à incendie arrosaient la surface de l’eau à l’aide de produits détergents. Mais l’autorité maritime chinoise a alerté dans un second temps lundi sur le fait que la marée noire s’étendait, avec « plusieurs » nappes de pétrole, « beaucoup plus importantes qu’hier ». Trois nappes distinctes, mesurant jusqu’à 18,2 kilomètres de long, ont été repérées par des avions de surveillance, a annoncé l’Administration océanique d’État (SOA), citée par l’agence de presse Xinhua. La marée noire devrait se déplacer vers le nord en raison des vents et des courants marins, a ajouté la SOA. « Le travail d’élimination de la pollution est l’un de nos objectifs. Personne ne veut assister à une nouvelle catastrophe de grande ampleur », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lu Kang, qui a ajouté que la cause de l’accident faisait l’objet d’une enquête.
L’accident constitue « le plus gros rejet de condensats dans la nature de toute l’histoire du pétrole », commente depuis l’Alaska Richard Steiner, un spécialiste des marées noires, qui suppose que la totalité de la cargaison a été soit brûlée, soit répandue en mer. « Vu le mauvais état de la coque après une semaine d’explosions et d’incendie, il est probable que tous les réservoirs aient été endommagés et que tous les condensats ainsi que le carburant se soient déversés », explique-t-il à l’AFP. Même si seul un cinquième de la cargaison s’était retrouvé dans la mer, cela représenterait l’équivalent de la marée noire de l’Exxon Valdez, qui a dévasté les côtes de l’Alaska en 1989, ajoute l’expert. A la différence près que l’Exxon Valdez transportait du pétrole brut, pas des condensats. Difficile donc de prédire l’impact d’une telle quantité de condensats sur l’environnement marin, d’après le spécialiste, pour qui le « record » jusqu’à présent ne dépassait pas 1.000 tonnes.
Les condensats sont des hydrocarbures qui existent à l’état gazeux quand ils se trouvent au fond d’un gisement mais se condensent lorsqu’ils sont refroidis. En plus de sa cargaison, le Sanchi pouvait transporter environ 1.000 tonnes de diesel lourd pour faire tourner ses machines. Depuis la collision du pétrolier avec un navire hongkongais, Pékin se veut rassurant. Les condensats auront « moins d’impact sur l’océan » que les autres types de pétrole et un impact « minime » sur l’homme vu l’éloignement des côtes, a souligné dimanche un ingénieur de l’Administration nationale des océans, Zhang Yong, cité par la télévision publique. Mais le naufrage du bateau avant que la totalité de la cargaison ait brûlé constitue « la pire éventualité possible », a déclaré au quotidien Global Times le militant écologiste Ma Jun. Les condensats « empoisonnent la faune sous-marine », a-t-il averti. A la différence du brut, les condensats, une fois rejetés en mer, ne forment pas une nappe en surface, mais plutôt un nuage toxique qui flotte entre deux eaux. Cétacés, poissons, oiseaux et plancton qui entrent en contact avec cette pollution peuvent soit mourir à brève échéance soit contracter des maladies, des infirmités ou encore devenir stériles, selon Richard Steiner. Or la région est une importante zone de frai pour de nombreuses espèces de gros poissons, dont les oeufs ont été « sans aucun doute exposés » aux rejets toxiques, ajoute le spécialiste, avant de déplorer l’absence de données écologiques sur l’accident maritime. « Comme personne n’a mené d’évaluation scientifique, les gouvernements comme les propriétaires du bateau vont pouvoir dire que les dégâts sont limités », prédit-il.