Les barrages andins fragmentent la biodiversité amazonienne

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Les barrages hydroélectriques et autres obstacles aux cours d’eau endommagent les continuités écologiques en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde, comme dans le bassin de l’Amazone. Une étude met en garde contre leur multiplication et éclaire leurs impacts sur le régime hydrologique du bassin entier.

En Europe, dans le cadre de la conciliation du développement des énergies renouvelables et de la préservation de la biodiversité, le débat sur les obstacles aux cours d’eau, tels que les barrages ou autres ouvrages hydrauliques (seuils, écluses, moulins), est plus que jamais d’actualité. Ainsi, la France compte quelques 80 000 obstacles répartis sur environ 600 000 km de cours d’eau, qui fragmentent les habits et engendrent un impact important sur la continuité écologique. Certains « altèrent la circulation des espèces, avec des conséquences sur leur reproduction notamment, rappelle Jérémy Devaux, chargé de mission « Eau et milieux aquatiques » au ministère de la Transition écologique et solidaire, dans une interview publiée début février par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). Un isolement des populations peut également être observé, et conduire à une limitation des échanges génétiques au sein d’une même espèce, augmentant ainsi le risque de disparition et limitant les possibilités de recolonisation des milieux. » Dans le cas des poissons effectuant de grandes migrations de reproduction, comme le saumon, ces impacts sont d’autant plus forts que le nombre d’ouvrage à franchir est important. Mais le gouvernement français semble s’engager dans le voie de la suppression de certains ouvrages, tels que les deux barrages sur la rivière Sélune, afin de restaurer les continuités écologiques.

La problématique de la fragmentation des cours d’eau est internationale. Une étude d’impact environnemental vient d’être publiée, concernant les barrages hydroélectriques bâtis sur les affluents andins de l’Amazone. « Ces aménagements menacent l’un des habitats les plus prolifiques et les plus riches en biodiversité du monde », explique Pablo Tedesco, macroécologue à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et co-auteur de la publication sur le sujet qui vient de paraître dans Science Advances. Ainsi, 142 ouvrages émaillent déjà les cours d’eau andins, tandis que 160 autres sont en projet. « Les barrages existants ont fragmenté les réseaux tributaires de six des huit principaux systèmes fluviaux amazoniens-andins, indique le scientifique. Les barrages à venir pourraient entraîner des pertes importantes de connectivité fluviale dans les cours d’eau de cinq des principaux systèmes – Napo, Marañón, Ucayali, Beni et Mamoré. » La connectivité fluviale désigne la jonction naturelle des rivières entre elles, qui contrôle de nombreux systèmes naturels et humains. Le transport en aval des sédiments et des matières organiques, qui s’effectue de façon massive dans le bassin amazonien, apporte les nutriments nécessaires au maintien de la très grande variété de poissons d’eau douce de cet écosystème, dont dépend l’alimentation en protéines de plus de 30 millions de personnes dans le bassin. Les phénomènes de crues saisonnières, primordiaux pour l’existence des espèces aquatiques qui y sont adaptés, sont également mis à mal par les ouvrages hydroélectriques. Pablo Tedesco déplore que peu d’actions soient entreprises pour mieux appréhender l’impact de la fragmentation des affluents de l’Amazone. « Des dispositifs visant à réduire l’impact environnemental commencent à se développer lors de la construction de tels aménagements fluviaux dans le monde, mais leur efficacité n’est pas encore clairement établie. » Le scientifique plaide ainsi en faveur d’une plus grande implication des scientifiques spécialistes des écosystèmes aquatiques dans le choix des sites d’implantation de ces infrastructures.

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