La Norvège, le plus important bailleur du Brésil, pourrait réduire ses paiements si la déforestation perdure en Amazonie. Le gouvernement brésilien a affirmé que tout était mis en œuvre pour enrayer la perte du couvert forestier.
La forêt amazonienne brésilienne, « poumon de la planète », risque de perdre le plus généreux de ses protecteurs internationaux, la Norvège, car la déforestation s’accélère malgré les promesses du Brésil. Le pays scandinave a prévenu vendredi 23 juin que ses paiements au Brésil seraient divisés par deux -au moins- en 2017 par rapport aux 850 millions de couronnes (100 millions de dollars au cours actuel) versés en 2016. Et qu’ils pourraient même tomber à zéro à l’avenir… « J’ai aujourd’hui exprimé mon inquiétude quant au fait que la déforestation au Brésil a sensiblement augmenté, a déclaré la Première ministre norvégienne Erna Solberg à l’occasion d’une visite du président brésilien Michel Temer. Une accélération documentée de la déforestation résultera en une réduction du paiement de la Norvège », a-t-elle dit lors d’une rencontre conjointe avec la presse. La Norvège, qui doit sa prospérité à la production d’hydrocarbures, est le principal contributeur au fonds de préservation de la forêt amazonienne mis en place en 2008 par le Brésil pour lutter contre la déforestation, facteur du réchauffement climatique. Ses déboursements annuels fluctuent en fonction du rythme de déforestation, comparé à la moyenne observée sur la décennie précédente selon une méthode décidée par les autorités brésiliennes elles-mêmes. « En 2017, les paiements vont être à peu près divisés par deux, voire un peu plus, a ensuite expliqué à la presse le ministre norvégien du Climat et de l’Environnement, Vidar Helgesen. De la mi-2015 à la mi-2016, on a vu une accélération de la déforestation. Cela se traduit par des paiements moindres en 2017 ».
Après de nets progrès, la déforestation au Brésil s’est en effet fortement accentuée ces deux dernières années, accélérant de 29% l’an dernier (chiffres préliminaires) après 24% en 2015, selon des données satellites officielles. En 2016, près de 8 000 km2 de forêts -l’équivalent d’un cinquième du territoire suisse- ont été perdus sous la pression notamment de l’élevage et de l’agriculture. Les versements norvégiens, qui tournaient auparavant autour de 1 milliard de couronnes par an (118 millions de dollars au cours actuel), sont parallèlement tombés à 850 millions en 2016 et vont donc être encore très sensiblement réduits cette année, une fois connus les chiffres définitifs sur la déforestation, a indiqué M. Helgesen.
Dans une lettre envoyée ce mois-ci à son homologue brésilien José Sarney Filho, il a averti que la somme pourrait devenir nulle en cas de nouvelle accélération, « même modeste », de la déforestation. « S’ils n’atteignent pas les objectifs (…), il y aura moins de versements, voire aucun », a confirmé Mme Solberg, excluant toute renégociation avec le Brésil de l’accord liant les deux pays jusqu’en 2020. Quelques dizaines de manifestants ont réclamé vendredi qu’Oslo suspende dès à présent ses paiements pour protester contre la politique forestière brésilienne. « La situation actuelle des populations autochtones et des défenseurs des droits est dramatique, a souligné Lars Løvold, directeur de l’ONG Rainforest Foundation Norway. Les protecteurs de l’environnement et des droits de propriété des terres sont tués sur une base quasi hebdomadaire dans le Brésil de Temer », s’est-il indigné dans un communiqué.
Les responsables brésiliens, eux, assurent être mobilisés. « Nous avons mis l’accent sur tout ce que le Brésil a fait pendant ces années pour pouvoir empêcher la déforestation », a souligné M. Temer après sa rencontre avec Mme Solberg. Le président brésilien a fait valoir ses deux vetos à des mesures qui auraient réduit de près de 600 000 hectares des zones de protection de la forêt amazonienne pour faire de la place à des activités minières et agricoles ainsi qu’à la construction d’un chemin de fer. Cette décision serait une simple manoeuvre destinée à sauver les apparences face à la Norvège, redoute cependant Greenpeace, inquiète que le contenu des mesures ne soit en fait repris dans un prochain projet de loi. « Le véto de Michel Temer corrige le processus, mais n’interdit pas la réduction des zones de préservation, a déclaré à l’AFP Nilo D’Ávila, directeur de campagnes de Greenpeace Brésil. Le changement de statut de ces zones allait être décidé par des mesures provisoires, il va désormais faire l’objet d’un projet de loi spécifique, qui va être discuté au Congrès. Le veto permet juste au gouvernement d’utiliser le bon instrument pour parvenir à ses fins. »
Pourtant le gouvernement brésilien a assuré que la déforestation de l’Amazonie était en train de ralentir. « Notre espoir, et les informations préliminaires qui sont toujours susceptibles d’être affinées, nous disent que cette courbe ascendante de la déforestation commence à s’inverser », a déclaré José Sarney Filho, au cours d’une conférence de presse à Brasilia. Le ministre avait déclaré la veille à Oslo que « seul Dieu » pouvait garantir la diminution de la déforestation de l’Amazonie, même si le gouvernement brésilien menait à bien « toutes les actions » possibles.
Selon M. Sarney Filho, l’augmentation « significative » de la déforestation de l’Amazonie s’est concentrée sur les deux dernières années du gouvernement déchu de Dilma Rousseff (gauche, 2011-2016) en raison d’une baisse de budget. Il a ajouté que le gouvernement conservateur actuel avait augmenté le budget et le contrôle de la déforestation, et qu’il espérait présenter des chiffres plus positifs dans le rapport officiel du mois de novembre.