Le Conseil départemental du Rhône asphyxie les ONG

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Sur un oukase de son président Christophe Guilloteau (LR), le  Conseil départemental du Rhône a coupé 80 000 € de subventions à trois associations de protection de la nature : France Nature Environnement Rhône, la LPO et Anthropologia. 

La raison de cette attaque ? Punir ces associations pour avoir joué leur rôle de défenseures de la nature en s’opposant au projet pharaonique d‘un port de plaisance à Anse (69), sur le bord de la Saône, et en suggérant plutôt de défendre une vaste zone humide. C’est une inquiétude de taille pour le maintien des salaires et des activités de militantes de ces associations, c’est surtout une attaque contre le droit d’alerter, contre la démocratie et contre celles et ceux qui défendent le vivant.
Pourtant, le courrier adressé aux élus était rédigé en termes courtois et mesurés :

 » Madame, Monsieur,

Associations citoyennes préoccupées par la gestion des finances publiques et l’avenir de notre région, nous avons connaissance du projet de port fluvial sur la Saône à Anse, dont le coût s’élèverait à 39,5 millions d’euros. Nous sommes vivement préoccupés par la décision de financer un tel projet dans le contexte économique actuel.

En effet, le gouvernement français appelle toutes les collectivités à réduire leurs dépenses en raison de la dette publique qui atteint des niveaux alarmants. Dès lors comment justifier un tel investissement public aussi conséquent dans un projet qui va impacter lourdement une zone humide (artificialisation d’une surface équivalente à 30 terrains de football), alors même que les zones humides, essentielles pour la biodiversité, sont aujourd’hui les milieux les plus menacés ?

Nous comprenons que le développement économique et l’amélioration des infrastructures sont des enjeux importants pour notre région. Cependant, ce projet ne semble pas répondre à une analyse fine des besoins du territoire. Il existe en effet déjà plusieurs projets visant à développer le tourisme fluvial (Belleville, Villefranche), moins dispendieux et, qui plus est, plus respectueux de l’environnement et de la biodiversité. Nous n’avons pas reçu, lors des rencontres faites avec les différents acteurs institutionnels du projet, d’éléments permettant de balayer nos questionnements : ce projet de port fluvial à Anse ne va-t-il pas entrer en concurrence avec ceux de Belleville et Villefranche ? Comment a été pensée la complémentarité avec les autres haltes fluviales déjà existantes : Crèches sur Saône, Albigny, Montmerle, Trévoux qui, loin d’être saturées aujourd’hui, pourraient à moindres coûts d’investissements être agrandies et améliorées.

Par ailleurs, selon les informations recueillies auprès du syndicat mixte du Bordelan, il semblerait que ce projet profiterait essentiellement à des propriétaires de bateaux à moteur issus de la région. On serait donc loin de l’objectif affiché de faire venir des touristes étrangers dans la région. Cela interroge alors sur les retombées économiques escomptées.

L’intérêt économique de ce projet ne nous parait donc pas assuré, alors qu’il est porté en avant comme justification de cette réalisation.

Ne serait-il pas plus judicieux de réorienter ces fonds vers des initiatives qui répondent directement aux besoins des citoyens et qui favorisent un développement durable et inclusif (éducation, santé, transition écologique)? L’enquête préliminaire consultative lancée mi-2024 a montré que ce projet est rejeté par un grand nombre de citoyens. Une pétition circule dans ce sens (près de 5000 signataires) et plusieurs associations s’opposent au projet en l’état.

Nous vous encourageons à reconsidérer ce projet et à engager un dialogue avec les citoyens afin de mieux comprendre leurs attentes et leurs préoccupations. La transparence et la concertation sont essentielles pour bâtir une confiance mutuelle entre les élus et la population.

Nous vous remercions pour l’attention que vous porterez à cette lettre et nous restons à votre disposition pour toute discussion ou échange d’idées sur ce sujet.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées ».