IKEA : des meubles pour enfants en bois illégal

Photo d'illustration ©JerzyGorecki de Pixabay

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Une nouvelle enquête du groupe d’investigation Earthsight montre que le géant de l’ameublement IKEA vend depuis des années des meubles pour enfants fabriqués à partir de bois lié à l’exploitation illégale de forêts protégées en Russie.

La gamme très populaire de meubles pour enfants « Sundvik » de chez IKEA propose des produits fabriqués à partir de bois lié à l’exploitation illégale de forêts protégées en Russie, selon un nouveau rapport du groupe d’investigation Earthsight. Pendant un an, le groupe a procédé à des rencontres sous couverture, à des visites de sites d’exploitation forestière, à l’analyse d’images satellites et à l’examen minutieux de documents officiels, de dossiers judiciaires et de données douanières afin de retracer le chemin des meubles en bois en vente dans les magasins IKEA du monde entier. Selon les résultats d’enquête, les meubles de la gamme « Sundvik » ont été fabriqués à partir de bois provenant de forêts lointaines et protégées de Sibérie. « Ces forêts sont contrôlées par des sociétés appartenant à l’un des 50 hommes politiques les plus riches de Russie, Evgeny Bakurov », indique Earthsight dans son rapport.

Earthsight révèle que les entreprises de Bakurov ont enfreint de nombreuses lois forestières et environnementales. Des accords illégaux leur ont permis de récolter 2,16 millions de mètres cubes de bois dans des forêts protégées au cours de la dernière décennie.  « Empilées en hauteur, les grumes produites rivaliseraient avec la grande pyramide de Gizeh (environ 138 mètres de hauteur). Les bûcherons ont abattu des millions d’arbres sous le faux prétexte qu’ils étaient morts, mourants, malades ou endommagés – ce que l’on appelle l’abattage sanitaire. Les arbres malades servent souvent d’excuse pour faire fi des lois russes sur l’exploitation forestière », explique le groupe d’investigation.

Les forêts boréales russes, également connues sous le nom de taïga, abritent la majorité des conifères du monde et stockent environ la moitié du carbone terrestre de l’hémisphère nord et jouent ainsi un rôle essentiel dans la régulation du changement climatique. Le pays est l’un des plus grands exportateurs de bois au monde, expédiant près d’un quart de tout le bois échangé dans le monde en 2019. M. Bakurov, personnalité éminente de la région russe d’Irkoutsk, avait réussi à obtenir le label du Forest Stewardship Council (FSC), le principal organisme mondial de certification du bois durable. Earthsight tient le FSC pour  responsable des abus d’exploitation forestière liés à IKEA. Les audits du label ne mentionnaient pas l’abattage illégal qui a pourtant été documenté par les recherches du groupe d’investigation et les autorités russes. Le bois lié à la déforestation illégale a continué d’être vendu dans les magasins IKEA année après année.

Le pin de Bakurov certifié FSC est expédié à un fabricant indonésien qui approvisionne les magasins Ikea aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et dans d’autres pays européens. Bakurov a également approvisionné le géant de la distribution par le biais d’intermédiaires en Russie et en Chine. Le bois du riche homme d’affaires se retrouve également dans de nombreuses autres chaînes d’approvisionnement à destination de l’Europe et des États-Unis, en dehors de celle d’Ikea. La majorité des importations de l’UE en provenance de l’est de la Russie sont potentiellement lié à la déforestation illégale. « Les résultats montrent que les gouvernements des États-Unis et d’Europe doivent appliquer plus rigoureusement les lois sur l’importation de bois pour lutter contre leur rôle dans la déforestation mondiale », soutient le rapport ajoutant que « Ikea, qui nie toute faute, a annoncé une interdiction temporaire du bois d’abattage sanitaire en provenance de Sibérie et d’Extrême-Orient russe après que Earthsight l’ait contacté. Le détaillant insiste sur le fait que le bois de Bakurov a été « récolté légalement » – mais il a récemment retiré ses entreprises de la liste des fournisseurs, citant des « pratiques préoccupantes » non spécifiées. »

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