Deux ans après le lancement de sa stratégie de lutte contre la déforestation importée, dont l’application est jugée insuffisante par des ONG, le gouvernement a présenté mercredi 18 novembre des bonnes pratiques pour les achats publics et une plateforme pour les entreprises.
En 2018, la France s’est engagée à mettre fin d’ici à 2030 à la déforestation liée à l’importation de produits agricoles ou forestiers non durables. Selon le WWF, la France contribue à déboiser potentiellement 5,1 millions d’hectares chaque année à l’étranger, à travers les seules importations de sept matières premières (soja, huile de palme, cacao, cuir…). Le plan du gouvernement prévoit de « faire évoluer les pratiques » de tous les acteurs, dont les pays producteurs, via des aides au développement, la création d’une plateforme pour que les entreprises françaises importatrices soient alertées sur les approvisionnements risqués (soja, huile de palme, boeuf, cacao, hévéa, bois) ou encore l’autonomie protéique dès 2030 pour nourrir les bêtes.
Le guide présenté mercredi 18 novembre complète cette démarche, avec des bonnes pratiques pour les acheteurs publics dans les domaines de la restauration, collective ou non, comme augmenter le nombre de repas végétariens, limiter le recours au soja et à l’huile de palme à risque, « privilégier l’achat de café et de cacao durables« , des transports avec les biocarburants et les pneumatiques, le bâtiment et le mobilier avec le contrôle de l’origine du bois utilisé et encore le cuir et le papier. Il sera distribué à plus de 130.000 acheteurs publics, a précisé la secrétaire d’Etat Bérangère Abba lors d’un point presse. Ces acheteurs représentent 10% du PIB et ce dispositif est engageant, a rappelé le ministère. Bénrangère Abba a aussi annoncé le lancement d’une plateforme pour « valoriser les engagements des entreprises, faire de la pédagogie (…) et permettre d’agréger les données douanières, les croiser avec les données satellitaires » pour « avoir une vraie transparence et mettre en place un mécanisme d’alerte pour les entreprises qui le souhaiteraient sur leur filière d’approvisionnement« .
Pour les associations, le bilan des deux premières années n’est pas satisfaisant. Dans une tribune parue dans Ouest France, WWF, Greenpeace, France Nature Environnement Canopée ou encore les Amis de la Terre soulignent que « la France continue d’importer des produits liés à la déforestation« . « C’est un constat d’échec« , dit Sylvain Angerand de Canopée à l’AFP, qui cite l’importation de produits comme le soja, l’huile de palme et le cacao. « Cette stratégie repose sur le volontariat, il y a donc des chances que ça ne fonctionne pas. L’Etat a une responsabilité et ne peut pas se défausser sur les bonnes volontés« , poursuit-il, tout en reconnaissant que depuis son arrivée, « Bérangère Abba a pris le dossier le charge, on sent qu’elle a envie d’agir« .
« On a adopté une stratégie sans se demander comment on allait la mettre en oeuvre, sans budget dédié« , déplore-t-il. Pour Bérangère Abba, passer par des moyens contraignants serait « dans un premier temps contre-productif ». « Cela n’a de sens, cet engagement contraignant, qu’à l’échelle a minima européenne« , a-t-elle fait valoir. Les associations demandent aussi que l’État fasse appliquer la loi sur le devoir de vigilance, que les entreprises concernées développent « un plan d’action spécifique contre la déforestation importée » et que la France porte le sujet au niveau européen.
Selon Canopée, les grands noms de la distribution en France, Carrefour, Casino, Auchan, Lidl, Système U, Mousquetaires et Leclerc ont annoncé « qu’elles allaient intégrer des clauses de non-déforestation liée au soja dans les cahiers des charges de leurs fournisseurs » et s’engager « à demander à leur fournisseur d’exclure le soja issu de la déforestation au Cerrado » au Brésil. Pour Etelle Higonnet de Mighty Earth, il faut à présent que les commerçants de soja suivent le mouvement, notamment Cargill et Bunge.