Trois questions à Michel Métais, président de Réserves naturelles de France
ANES : le gouvernement vient d’annoncer le « gel » de 2,6 millions d’euros de crédits destinés aux Réserves naturelles nationales. Quelles seront les conséquences de cette décision ?
Michel Métais : le gouvernement n’a rien annoncé, en tout cas pas à nous ! Nous avons eu des alertes du terrain, de la part de plusieurs gestionnaires de réserves, et de la part de certaines DREAL (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Nous somme donc allés à la pêche aux informations, et avons découvert ce chiffre de 2,6 millions d’euros, qui représente 10 % du budget total que l’Etat consacre aux réserves naturelles nationales. Ce qui nous inquiète particulièrement, c’est que figurent dans ce total les 500 000 affectés à l’action 35 du plan national « biodiversité » qui prévoyait la création/extension de 20 RNN dans les 4 ans à venir. Ce plan de relance est supprimé dans le budget 2019. Paradoxalement, des préfets ont reçu des consignes ministérielles pour poursuivre l’instruction de dossiers de réserves naturelles à créer. En clair le budget est gelé, mais l’Etat demande à des préfets d’instruire quand mêmedes dossiers de réserves naturelles, qui seront créées dans 2 ou 3 ans, pas avant.
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Initialement, le budget était stable, il reconduisait le budget 2018 sans revalorisation. Il est évident que des actions de gestion devront être abandonnées, et que la tâche des gestionnaires va devenir particulièrement compliquée. Et nous ne sommes pas seuls dans ce cas. Toutes les lignes budgétaires qui touchent à la biodiversité sont affectées : les autres gestionnaires d’espaces (parcs nationaux, parcs naturels régionaux), l’Agence française pour la biodiversité, mais aussi les plans nationaux d’action pour les espèces menacées…
ANES : il s’agît officiellement d’un « gel » de ces crédits. Après un gel en février, un dégel au printemps est-il envisageable ?
Michel Métais : je ne peux évidemment rien prédire de ce que fera le gouvernement, mais mon expérience m’amène à penser qu’il ne faut pas rêver ! Par le passé, nous avons déjà connu des « gels » de crédits d’Etat, mais jamais de cette ampleur. Et la réalité, c’est que les sommes gelées finissent pas être définitivement supprimées. Nous devons, avec les représentants des fédérations des PNR et des conservatoires d’espaces naturels, rencontrer le ministre la semaine prochaine. Nous aurons peut-être à cette occasion des confirmations et des explications…
ANES : comment expliquez-vous que la biodiversité soit systématiquement la première visée par les coupes budgétaires ?
Michel Métais : en l’occurrence, le gouvernement a annoncé 10 milliards de dépenses pour satisfaire les revendications des « gilets jaunes », or il ne veut ou ne peut pas accroitre le déficit budgétaire. Il faut donc trouver ces 10 milliards ailleurs. Le problème, c’est la faiblesse de François de Rugy par rapport à Hulot. Du Rugy ne gagne pas ses arbitrages budgétaires, c’est aussi simple que cela. Sur tous les sujets, ile ne se bat pas, donc il est perdant : sur la question des déchets nucléaires, sur la question de la chasse, il avale des couleuvres. Il n’oppose aucune résistance aux décisions défavorables à l’environnement. Quand Hulot est parti, le premier ministre avait affirmé qu’il ne toucherait pas au plan « biodiversité », que c’était une priorité gouvernementale. A la première occasion, ça saute. Les ministres influents, eux, n’ont pas de problèmes budgétaires…
Au-delà, ce qui nous ennuie en tant que gestionnaires d’espaces naturels c’est d’opposer une crise sociale au problème écologique. Ce qui me paraît ressortir du grand débat, ce n’est pas une opposition entre social et écologie, notamment en matière de biodiversité. J’étais à un débat dimanche à Rochefort en présence de la députée et du maire. Les « gilets jaunes » présents disaient : les insectes, les oiseaux ça fout le camp, c’est pas normal, on est conscients que la biodiversité est gravement menacée, et, il n’est pas question que l’Etat ne s’en préoccupe pas. Je pense donc que le gouvernement actuel prend une décision grave dans le sens où il remet en cause le plan national « Biodiversité » qu’il avait adopté en juillet dernier. Ce que je constate, c’est que la crise environnementale, la biodiversité, le climat sont vraiment dans les préoccupations des gens.
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Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko