Trois questions à Cécile Ostria, Directrice Générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme
ANES : Comment ressentez-vous et expliquez-vous la démission de Nicolas Hulot ?
Cécile Ostria : Il avait dit qu’il ferait un bilan pendant l’été, après un an d’exercice. Il n’est pas un politique professionnel, il n’avait aucun désir d’être ministre, il faisait ça pour la cause, pour voir s’il pouvait apporter encore plus à cette cause de l’intérieur que de l’extérieur. Il avait beaucoup d’espoirs, mais au fil des mois, il s’est rendu compte que, dans le cadre d’une politique gouvernementale, on ne réussit pas à faire avancer les choses comme on le souhaiterait. Mais surtout il a voulu marteler un message qui n’a pas été compris : le changement de paradigme, la transition écologique, ce n’est pas une contrainte mais une opportunité. On a mis en face de ce message des chiffres et des budgets, ce qui est normal, mais on n’a pas pris en compte tous les bénéfices réels de la transition écologique. Nicolas Hulot espérait plus de la part d’un gouvernement nouveau. Aujourd’hui, on voit de petites choses bouger dans le bon sens, mais on ne voit pas de changement de paradigme. Ce sont les fameux « petits pas » qu’il ne pouvait se résoudre à accepter.
ANES : La Fondation pour la Nature et l’Homme a été critique du gouvernement pendant le mandat de Nicolas Hulot. Sur quelles thématiques environnementales importantes pensez-vous qu’il n’a pas obtenu d’avancées concrètes ?
Cécile Ostria : La plus grosse déception, c’est la programmation pluriannuelle de l’énergie : nous avons vivement critiqué le fait que les objectifs de la Loi sur la transition énergétique ne seraient pas tenus, et qu’aucun autre objectif n’était proposé. Comme rien n’avait démarré, nous savions que le gouvernement n’arriverait pas à abaisser à 50% la part du nucléaire d’ici 2025. Nicolas Hulot et les différentes ONG attendaient que des réacteurs nucléaires soient précisément nommés et ferment avant 2030. Cela reste aujourd’hui une question de premier ordre. Tout ce qui concerne la biodiversité est également un peu décevant : le nouveau Plan biodiversité est intéressant, mais beaucoup de choses étaient déjà sur la table. On ne voit pas de changement de réflexion profond ni de prise en compte de la biodiversité comme garante fondamental de la vie sur Terre. Beaucoup de sujets ont été très peu évoqués, parmi lesquels l’artificialisation des sols via l’agriculture ou des infrastructures. Nicolas Hulot avait souhaité un travail sur la reconstitution des sols, qui sont de vrais puits de carbone, mais rien n’a été fait. Espérons que l’électrochoc de la sortie de Nicolas Hulot aura un effet sur le gouvernement et que des arbitrages seront rendus de façon plus favorable à la transition écologique.
ANES : Quel avenir voyez-vous à Nicolas Hulot désormais ?
Cécile Ostria : Personne ne sait actuellement ce qu’il fera ensuite. C’est un grand porte-voix de l’écologie, il a une sincérité totale et une grande compréhension des problématiques. Il doit continuer à porter ces sujets à l’attention de tous. Je pense que son expérience au gouvernement ne l’aura pas écœuré car c’est un convaincu de la cause. Il connaît l’urgence, et s’il quitte les arcanes de la politique, c’est sûrement car il pense finalement pouvoir accomplir plus avec les ONG comme la Fondation pour la Nature et l’Homme.
Propos recueillis
par Jean-Baptiste Pouchain