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Trois questions à Maud Lelièvre, Déléguée générale des Eco-maires, association co-organisatrice des Assises nationales de la biodiversité.

ANES : les 7ème Assises nationales de la biodiversité, qui se tiennent la semaine prochaine à Ajaccio, s’ouvriront sur une table-ronde intégralement féminine et intitulée « Femmes en action pour la biodiversité ». Il y aurait donc une approche féminine particulière de cette thématique ?

Maud Lelièvre : Il nous a paru essentiel de mettre en valeur le rôle des femmes, qui sont dans de nombreuses régions du monde les principales gestionnaires de la terre et de ses ressources ! Dans les pays d’Afrique sub-saharienne, avec lesquels nous conduisons des programmes de coopération, les femmes sont à l’origine de 60 % de la production des aliments. On l’envisage le plus souvent d’un strict point de vue économique, en négligeant la question sous-jacente du genre. A travers le monde, cette approche est toutefois en train de changer. Ainsi, la dernière Conférence des parties de la Convention pour la diversité biologique (CDB) en décembre à Mexico a spécialement abordé ce sujet « genre et biodiversité », qui a fait l’objet de communications très convaincantes. Le Mexique, qui accueillait cette Conférence des parties, a exposé pourquoi et comment il a introduit la question de l’égalité des sexes et du rôle spécifique des femmes dans sa stratégie nationale pour la biodiversité. Il est clair que l’approche des femmes et celle des hommes ne sont pas identiques en matière de connaissance de la nature, des espèces. Il est clair aussi qu’en cas de catastrophe naturelle ou d’aléa climatique les femmes sont généralement les premières victimes. Mais à l’inverse, elles peuvent aussi être les premières bénéficiaires d’une amélioration de la relation des sociétés humaines avec la nature.

De même, au dernier congrès mondial de la nature organisé par l’UICN à Hawaï l’an dernier, un grand nombre de communications ont porté sur des thématiques comme l’autonomisation des femmes pour agir en faveur du climat ou pour améliorer la résilience des communautés et des éco-systèmes. Ce sujet largement débattu au plan mondial, nous avons voulu l’explorer au plan national : comment résonne-t-il en France ? Nous avons réuni pour cela ce panel féminin qui réunira des représentantes d’ONG (Claire Nouvian pour Bloom, Sandrine Bélier pour Humanité & Biodiversité, Michèle Salotti pour U Levante), d’entreprises (Patricia Savin pour Orée), et de collectivités territoriales françaises (je représenterai les éco-maires) ou venues d’autres continents (Eugénie Opou, maire d’une commune congolaise).

ANES : On parlera aussi beaucoup de biodiversité océanique, qui sera le thème de la table-ronde de clôture. Parce que la Corse est une île ?

Maud Lelièvre : Non, même si nous sommes sensibles au sort des îles, et tout particulièrement des petites îles de Méditerranée. Mais la question des océans a été largement traitée par le gouvernement au cours du quinquennat écoulé, dans la foulée de la Conférence de Nations-Unies sur le développement durable (la conférence « RIO + 20 ») qui s’est tenue en 2012 et où la question de la biodiversité océanique avait été fortement mise en avant. Nous verrons prochainement ce qu’en fera le nouveau pouvoir, mais en cout état de cause la responsabilité de la France dans ce domaine est fortement engagée. Du fait de ses outre-mers à l’échelle mondiale, mais aussi à l’échelle européenne du fait de ses importantes façades maritimes. Il y a longtemps que de nomreuses ONG alertent sur l’acidification des océans, sur les pollutions diverses et en premier lieu, bien sûr, la pollution aux plastiques, ou sur la montée du niveau des mers et ses impacts sur les écosystèmes côtiers. Nous avons voulu profiter des compétences importantes implantées en Corse pour répéter ce message : on peut utiliser les ressources de la mer sans nuire à la mer !

ANES : Ces Assises seront les premières depuis la création de l’Agence française pour la biodiversité. Cela change le paysage ?

Maud Lelièvre : Depuis que le processus de création de l’Agence a réellement démarré en 2012, nous l’avons activement soutenu, car nous sommes convaincus que c’est une initiative qui va dans le bon sens. Depuis cinq ans nous réfléchissons activement à ce que nous pouvons faire avec et pour l’Agence. Pour les collectivités territoriales que nous représentons, elle sera un interlocuteur extrêmement précieux dans plusieurs domaines : dans l’appui aux politiques publiques par un apport d’expertise ; dans la facilitation des recherches de financement ; dans l’amélioration des connaissances et des savoir-faire. Quand nous avons créé les Assises en 2010 dans la foulée de l’Année internationale de la biodiversité, nous avons largement diffusé un questionnaire aux maires, pour évaluer ce qu’ils savaient na matière de biodiversité, et surtout ce qu’ils ne savaient pas ! Nous avons constaté que, souvent en toute bonne foi, ils prenaient des décisions qui n’étaient pas favorables à la biodiversité, en croyant bien faire ! La relation avec l’Agence, et avec les Agences régionales de la biodiversité, fera progresser les bonnes pratiques de tous. L’équipe de préfiguration de l’Agence était présente l’an dernier aux Assises de clermont-Ferrand, l’Agence sera représentée à Ajaccio par son président et don directeur général : nous nous réjouissons de pourvoir renforcer le partenariat naturel entre l’AFB et les Eco-maires !

Propos recueillis
Jean-Jacques Fresko