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Trois questions à Michel Métais, Président de Réserves naturelles de France (RNF)

ANES : Vous avez été élu président de RNF à l’occasion du congrès du réseau, qui vient de se tenir à la Martinique. Une présidence pour quoi faire ?

Michel Métais : Pour jouer un rôle politique ! Depuis quelques années, le réseau RNF a développé ses compétences techniques, travaillé en partenariat étroit avec l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et les services du ministère de l’écologie, mais moins avec les cabinets ministériels et les parlementaires. Aujourd’hui la priorité est de reprendre l’action politique pour retrouver une dynamique de création de réserves naturelles nationales. Si nous ne le faisons pas, le risque sera de voir l’Etat se désintéresser des réserves naturelles, et abandonner ce dossier aux Régions, avec toutes les incertitudes que cela pourrait comporter pour la pérennité du réseau : les Régions ne sont pas du tout prêtes à prendre le relais pour les financer ! Au ministère du budget, la tentation est grande de réaliser des économies en coupant dans les financements consacrés à la biodiversité que nous recevons. Et le principal argument pour faire cela, c’est qu’il n’y a plus de dynamique de création de réserves nationales. Aujourd’hui, il y a à peu près autant de réserves nationales que régionales (165 pour chaque catégorie), mais seules les Régions créent des réserves naturelles (RNR), qui sont souvent de faible superficie. Lorsque la possibilité de créer des réserves régionales a été inscrite dans la loi en 2001, nous avions obtenu que l’Etat n’abandonne pas pour autant les réserves nationales. Mais on sent bien que la tentation reste grande de transmettre le dossier aux Régions. Nous allons donc rencontrer le ministre, les parlementaires, et leur faire valoir l’urgence de reprendre un rythme soutenu de création de réserves nationales (RNN), Les arguments ne manquent pas : nous sommes loin de tenir les engagements 2010-2020 de la Stratégie de création d’aires protégées (SCAP), nous sommes loin de l’objectif de 2 % du territoire en espaces protégés, et si nous voulons que la loi de reconquête de la biodiversité de 2016 soit réellement effective, il faut reprendre la création de réserves nationales. Nous allons donc mener une action politique résolue dans ce but.

ANES : Dans une motion adoptée à l’issue du congrès, vous fixez un objectif de 30 créations de réserves nationales pendant le quinquennat. Pourquoi 30 ?

Michel Métais : Pour être précis, nous demandons 30 créations de nouvelles réserves ou extensions de réserves nationales existantes. 6 nouvelles réserves par an, c’est un objectif qui nous paraît raisonnablement accessible, compte tenu de la complexité du montage des dossiers et de la capacité des différents services concernés à suivre le rythme ! Certains dossiers sont du reste déjà prêts, il faudrait accélérer leur aboutissement. RNF va établir une liste de 100 sites sur lesquels il serait pertinent de créer une réserve nationale. A partir de cette liste, l’Etat déterminera les 30 pour lesquels il serait souhaitable que la décision de création soir adoptée pendant le quinquennat. Mais cela ne doit évidemment pas se faire au détriment des réserves régionales. La motion que vous citez demande dans le même temps que l’Etat encourage les Régions, par l’affectation de moyens spécifiques, à poursuivre la création de réserves régionales.

ANES : Comment envisagez-vous de coordonner l’action de RNF avec celle de l’agence française de la biodiversité (AFB), maintenant que cette dernière est opérationnelle ?

Michel Métais : Nous aurions aimé que le réseau RNF soit le premier à signer une convention-cadre de partenariat avec l’AFB, à l’occasion du congrès. Nous étions prêts de notre côté, mais cela n’a pas été possible : cette convention sera probablement signée en octobre. Dans certains domaines, ce partenariat avec l’AFB est absolument nécessaire. C’est le cas de la formation des personnels des réserves, par exemple : ayant repris les missions de l’ATEN, c’est l’AFB qui assure cette formation. C’est aussi le cas de la reconstitution du réseau des espaces protégés, de l’adaptation des RN au changement climatique, du rôle des réserves naturelles dans les futures ARB, de la géodiversité, de l’action internationale… Je pense notamment à la coopération européenne, au montage de dossiers Life, domaines dans lesquels la France a des progrès à faire. Nous sommes demandeurs d’un lien fort avec l’AFB, nous sommes donc très impatients que celle-ci surmonte les difficultés d’organisation liées à son démarrage, et que nous puissions très vite travailler concrètement ensemble !

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko