Trois questions à Brice Quintin, chargé de missions à la Fondation Brigitte Bardot
ANES : L’une des dernières décisions de Ségolène Royal comme ministre de l’écologie a pris cette semaine la forme d’un arrêté réglementant les conditions d’exploitation des delphinariums. C’est une victoire pour les associations de défense des animaux ?
Brice Quintin : C’est l’aboutissement d’un travail conduit depuis plusieurs années par plusieurs structures, auquel la Fondation Brigitte-Bardot a activement participé. Ce dossier a été ouvert suite à plusieurs demandes d’agrément de nouveaux établissements, auxquelles nous nous sommes opposés. Ces demandes ont donc fait l’objet d’un moratoire jusqu’à ce que cet arrêté soit publié. Ce n’est évidemment pas une victoire totale : nous aurions préféré une interdiction définitive des delphinariums. Mais c’est quand même une avancée significative. Et si nous n’avons pas obtenu satisfaction pour les dauphins, c’est un peu différent pour les orques : les seuls orques vivant actuellement en captivité en France sont détenus par le Marineland d’Antibes, et ils seront les derniers en France. Il n’y aura pas de nouvelles captures, et pas de reproduction. Il n’y aura donc bientôt plus un seul orque retenu en captivité en France.
ANES : Mais maintenant que l’arrêté est en vigueur, d’autres delphinariums vont pouvoir s’installer…
Brice Quintin : Ça, c’est évidemment la mauvaise nouvelle. Mais l’un des effets des nouvelles dispositions sera de compliquer la tâche –et de renchérir les coûts !- de ces nouveaux exploitants, qui vont peut-être du coup y réfléchir à deux fois… Il leur faudra prévoir des bassins plus vastes et plus profonds que ceux qu’ils avaient imaginés (pas autant que nous l’aurions souhaité, mais c’est tout de même significatif !), ils ne pourront plus utiliser de chlore dans les bassins. Et du côté des recettes, la donne va changer aussi : les présentations nocturnes sont désormais interdites, et surtout les contacts entre le public et les animaux sont maintenant prohibés. Certains responsables de zoos qui exploitent déjà des delphinariums se sont réjouis de ces nouvelles dispositions. Tant mieux, mais si elles leur conviennent si bien, pourquoi ne les ont-ils pas spontanément appliquées ? Peut-être se réjouissent-ils avant tout de voir le « ticket d’entrée» devenir plus cher, et donc la concurrence moins vive…
ANES : De quoi souffrent les dauphins en captivité ?
Brice Quintin : De maladies de la peau et des yeux principalement, liées à l’utilisation du chlore dans les bassins. Ca c’est pout la partie « médicale » la plus quantifiable. Mais si les pathologies comportementales sont moins mesurables, elles sont tout aussi certaines et très certainement plus grave. Les dauphins dans la nature opèrent de grands déplacements grâce à leur capacité d’écholocation. En bassin, du fait de la taille réduite et de la réverbération, ces compétences sont mutilées. En outre, les dauphins sont des animaux sociaux, qui vivent en groupes stables parfois pour toute leur vie. Dans ces groupes, la hiérarchie est très établie, chaque individu a sa place, son rôle. Dans les zoos, les individus sont dispersés, les groupes sont démantelés, les animaux sont consignés avec des individus d’autres groupes, occasionnant un stress mortifère. A terme, il faudra bien en arriver à la fermeture totale des delphinariums ! Mais il est clair qu’un pas important vient d’être franchi avec cet arrêté.
Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko