🔻 Déforestation de l’Amazonie : on en mange tous les jours !

Photo d'illustration © Florian Plaucheur-AFP

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Aerial picture of a deforested area close to Sinop, Mato Grosso State, Brazil, taken on August 7, 2020. (Photo by Florian PLAUCHEUR / AFP)
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Une étude scientifique évalue les impacts sur l’Amazonie de la consommation de soja en Chine et dans l’Union européenne. Et une ONG pointe la responsabilité –et le double jeu- du groupe Casino.

Une étude publiée dans la revue Global Environmental Changerévèle que les pays et les entreprises de l’Union européenne et de la Chine qui importent du soja du Brésil y ont provoqué la déforestation, entraînant une nette augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en particulier lorsque le soja provient de certaines régions, telles que ne nord de l’Etat du Cerrado. Le total des émissions de gaz à effet de serre provenant des exportations de soja brésilien a été estimé à 223 millions de tonnes de dioxyde de carbone. La Chine est le plus grand importateur de soja brésilien pendant la période d’étude qui s’étend de 2010 à 2015, et responsable de 51 % des émissions de dioxyde de carbone associées, tandis que l’Union européenne en est responsable à hauteur de 30 %.

Mais par unité de soja, l’empreinte carbone de l’Europe due aux importations brésiliennes est plus importante que celle de la Chine, selon l’étude. Les importations de l’Union européenne sont également plus susceptibles de provoquer une nouvelle déforestation (causant des rejets de carbone plus récents), par rapport aux importations de Chine. Cela s’explique par le fait qu’une grande partie du soja consommé dans des pays de l’UE comme l’Espagne et l’Allemagne provient du nord du Cerrado, où les taux actuels de déforestation sont particulièrement élevés. La Chine importe la plupart de son soja brésilien du sud du Cerrado, qui a déjà converti une grande partie de sa végétation indigène en terres cultivées. Lucia von Reusner, directrice de campagne de Mighty Earth, une ONG environnementale basée aux Etats-Unis, a expliqué au site d’information Mongabayque l’étude est cruciale pour mettre en lumière les risques de déforestation dans le Cerrado au Brésil : « C’est l’une des savanes les plus biodiversifiées du monde et une préoccupation énorme pour les personnes qui se soucient de certaines des espèces les plus belles et les plus menacées du monde. De plus, la déforestation est l’un des plus grands moteurs du changement climatique ». La région a été surnommée « forêt souterraine » en raison du système racinaire complexe des arbustes et des petits arbres, qui retiennent le sol et séquestrent d’énormes quantités de carbone, a-t-elle ajouté dans un entretien avec Mongabay. « Lorsque l’industrie du soja s’installe, tout cela est arraché et brûlé. Tout le carbone stocké dans les racines, les arbres et les sols est brûlé et libéré dans l’atmosphère ».

Dans ce contexte, une enquête très détaillée conduite par un groupe d’ONG, parmi lesquelles figure l’association française Envol vert, révèle les pratiques douteuses du groupe Casino (qui comprend les marques Monoprix, Naturalia, etc). L’enquête décrit les méthodes de 4 fermes impliquées dans la déforestation au Brésil, en Amazonie et dans le Cerrado. Ces fermes aux pratiques illégales approvisionnent le Groupe Casino au Brésil : 52 produits vendus en rayon de 10 magasinset les étals de boucherie de 2 magasins sont concernés. À elles seules, ces fermes représentent 4500 ha de forêts coupés illégalement pour laisser place au pâturage de bovins. Des terres autochtones protégées sont également converties.

L’une de ces fermes est la Fazenda Ellus, en Amazonie (Mato Grosso).

  • 2 477 ha de forêt brûlés en 2019(images de la NASA)
  • Ellus est fournisseur direct de JBS à Araputanga sur l’année 2018-2019
  • JBS à Araputanga est fournisseur de viande fraîche des magasins Extra de GPA/Casino à Cuiabá.

Rien qu’en 2019 au vu du poids du Groupe Casino au Brésil, c’est 56 000 ha, 5 fois la surface de Paris, qui aurait été déboisées par les fermes approvisionnant le groupe sans aucune politique dédiée. « Le groupe Casino en tant qu’entreprise française de plus de 5 000 salariés doit respecter les obligations présentes dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères », rappelle Envol vert.

L’ONG accuse aujourd’hui le groupe de supermarché d’avoir manqué à son devoir de vigilance. Un collectif d’associations colombiennes, brésiliennes, américaines et françaises (Opiac, COIAB, FEPIPA, Canopée, Envol Vert et d’autres) a décidé d’écrire au groupe Casino pour le mettre en demeure de respecter les obligations légales liées à son devoir de vigilance. Une procédure juridique peut être entamée. « Votre plan de vigilance ne reflète pas l’exercice d’une vigilance raisonnable à la hauteur de la part de responsabilité du groupe en Amérique du Sud », écrivent aux dirigeants de Casino les avocats du cabinet Seattle, mandatés par le collectif.

La déforestation génère de nombreuses atteintes aux droits de l’homme, à la santé, à la sécurité et bien entendu à l’environnement, ont dénoncé les ONG dans leur lettre. La loi de 2017 sur le devoir de vigilance permet de poursuivre en France une multinationale du pays pour ses activités et celles de ses filiales à l’étranger. Avec cette mise en demeure, le groupe Casino dispose de trois mois pour répondre en appliquant un nouveau plan de vigilance. Si passé ce délai, aucun plan n’est mis en place ou que les mesures sont jugées insuffisantes, les ONG pourront engager une procédure judiciaire pour « engager une action en responsabilité et obtenir réparation des dommages commis », explique l’un des avocats mandatés.

Lire l’étude

Lire le rapport d’enquête sur Casino