A Chypre, à cause de l’assèchement des forêts, les mouflons descendent de plus en plus dans les villages et causent des dégâts dans les vignes. Au Myanmar, les cerfs d’Eld subissent le manque d’eau et se rapprochent également des hommes.
John Papadouris l’assure: s’il n’avait pas encerclé son verger luxuriant dans le massif du Troodos, à Chypre, de grillages, les mouflons auraient ravagé ses arbres fruitiers. Le mouflon est un ruminant sauvage proche du bouquetin, emblématique de l’île méditerranéenne de Chypre où il est apparu il y a environ 10.000 ans. Longtemps tapi dans les zones isolées de la forêt du Troodos, dans l’ouest de l’île, l’animal pénètre désormais dans les villages agricoles de la vallée de Marathassa, plus à l’est, où coulent les rivières et foisonnent les arbres fruitiers. Au grand dam des agriculteurs qui disent découvrir au petit matin leurs récoltes dévorées. « Ces vignes pouvaient produire au moins trois tonnes de raisins. Actuellement, le producteur ne peut même pas en récolter 30 kg » à cause des mouflons, affirme Christodoulos Orphanides dans un vignoble situé à Tsakistra, village dont il est maire. Les mouflons choisissent la nuit pour festoyer, dit-il. « On peut trouver jusqu’à 40 mouflons qui mangent les vignes » à ce moment-là. Lui-même possède six hectares de plantations, des cerisiers notamment, sur lesquels il explique ne plus pouvoir cueillir que les fruits poussant à la cime, la partie que les mouflons ne parviennent pas à atteindre. Pour lui, la solution est évidente: il faut grillager les vergers. Une méthode à laquelle se sont résolus de nombreux agriculteurs, à en croire les multiples jardins enceints de clôtures qui surgissent au détour des chemins de cette vallée située à environ 75 km à l’ouest de la capitale Nicosie. « J’ai dépensé beaucoup d’argent pour clôturer mon jardin », indique John Papadouris, propriétaire d’un hôtel de luxe dans son village de Kalopanayiotis. « Je peux me le permettre » mais ce n’est pas le cas de tout le monde, dit le septuagénaire, ancien maire de sa commune. Il va jusqu’à parler de villageois « désespérés » qui ont été « chassés » par les mouflons. Des propos jugés excessifs par Nicos Kasinis, chargé du département de la protection de la faune au ministère de l’Intérieur. Il est vrai, dit-il, que si les dégâts causés par les mouflons sur l’agriculture du Troodos ne sont pas nouveaux, la sécheresse endurée ces dernières années par l’île a exacerbé le problème, les mouflons ayant besoin de zones humides. Ces animaux, qui préfèrent les clairières, ont abandonné les pentes hérissées de pins – dont le nombre est en augmentation grâce aux mesures de reforestation – pour gagner des secteurs plus humides mais aussi plus clairsemés de la montagne, poursuit M. Kasinis. Et si le nombre d’habitants a baissé dans les villages du Troodos du fait de l’exode rural, celui des mouflons a augmenté à la faveur de nouvelles normes de protection. Ils sont aujourd’hui environ 3.000, contre quelques dizaines au milieu du XXe siècle, précise M. Kasinis. Devant la colère grandissante des agriculteurs, Nicosie a soumis à Bruxelles deux plans d’aide de 500.000 euros qui ont été validés en janvier
2019, poursuit-elle. L’un porte sur une compensation des dégâts subis par les agriculteurs et l’autre sur une aide pour clôturer leurs plantations, à hauteur de 40% du coût total d’installation, sachant qu’il faut compter 15,60 euros en moyenne par mètre, selon le type de clôture choisie, explique le ministère de l’Agriculture.
Au Myanmar, ce sont les cerfs qui souffrent de la sécheresse. Les internautes birmans se sont récemment mobilisés pour sauver des cerfs dans le centre du pays, qui attend désespérément le début de la saison des pluies. Un millier de cerfs d’Eld, une espèce menacée de cervidés d’Asie du Sud-Est vivant dans les jungles d’Inde et de Birmanie notamment, ont été répertoriés dans la réserve naturelle Shwe Settaw, dans la région de Magway. Avec la sécheresse, ils s’aventurent vers les villages, à la recherche d’eau et de nourriture. Cela les met à la merci des braconniers et les rangers de la réserve naturelle sont inquiets. La réserve se trouve en effet dans la plaine centrale de la Birmanie, où le manque d’eau est particulièrement flagrant en cette fin de saison sèche où les températures ont frôlé les 50°C récemment. La vingtaine de lacs et de points d’eau de la réserve sont à sec. Depuis fin avril, dans ce pays où les administrations sont encore défaillantes et sous-financées après des décennies de junte militaire, la dizaine de rangers du parc se cotisaient pour faire des allers-retours motorisés jusqu’à une rivière de la région pour y collecter de l’eau pour les animaux. Mais, ils viennent de passer à la vitesse supérieure, avec un appel aux dons sur Facebook. En quelques jours, ils ont récolté près de 600 euros, qui servent à payer l’essence pour se rendre six fois par jour à la rivière, située à une quinzaine de kilomètres de là, ramenant des citernes de 4.000 litres d’eau pour les animaux assoiffés. « Nous avons eu de la chance, cela a attiré suscité l’intérêt du public », se félicite Thein Rwin, ranger à l’origine du projet. Les appels aux dons ont été clos une fois la somme nécessaire recueillie. Les pluies de mousson devraient en effet bientôt débuter. Dans le parc, les cerfs ne sont pas les seuls animaux à souffrir de la chaleur, comme les tortues étoilées, une autre espèce menacée. Quelques-unes sont même mortes. « Nous avons perdu des tortues à cause de la chaleur extrême… ça n’arrive pas tous les ans », témoigne Steve Platt, spécialiste du World Conservation Society (WCS). Mais l’arrivée des pluies de mousson ne suffira pas à régler un problème endémique dans cette région qui est une des plus pauvres de Birmanie: les habitants des villages des alentours, qui vivent la plupart sans électricité, ne cessent de collecter du bois dans le parc pour faire du feu, destiné notamment à cuisiner, menaçant l’habitat naturel de ces animaux. A cela s’ajoute le braconnage, à destination notamment de l’avide marché chinois en animaux rares.