Champignons et insectes à la rescousse pour remplacer les pesticides (3 min 30)

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Alors que l’utilisation des produits phytosanitaires, tels que le glyphosate et les néonicotinoïdes, fait débat en France, des laboratoires développent des solutions de biocontrôle, notamment à base de champignons et d’insectes.

Nous sommes en juin 2018 dans un laboratoire de l’Inra près de Nice. Toute la boîte de Pétri du chercheur Michel Ponchet est occupée par une moisissure blanche. Toute ? Non. Un champignon microscopique -nom de code Y3- résiste encore et toujours à l’envahisseur. Ce champignon à l’étude, ainsi qu’un autre baptisé Pseudozyma, et une multitude d’insectes dits « auxiliaires » font partie de la panoplie d’organismes vivants appelés par les chercheurs à remplacer une partie des fongicides et insecticides chimiques utilisés dans les potagers ou les champs agricoles. Même si la recherche peine à trouver une solution de remplacement aux herbicides à base de glyphosate, la lutte biologique, ou biocontrôle, est en plein développement. Alors que les insecticides néonicotinoïdes seront interdits en France à partir du 1er septembre, le biocontrôle ne représente encore que 5% du marché des produits phytosanitaires, employé surtout sous serres et très peu dans les grandes cultures céréalières. Mais les chercheurs de l’Inra à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), qui ont récemment ouvert leurs portes à la presse, accumulent des succès. Exemple, l’éradication du cynips du châtaignier, une micro-guêpe originaire de Chine qui dévaste les exploitations en Europe. La solution a été trouvée en Chine aussi. Un parasitoïde très efficace, le Torymus sinensis, a été adapté en France, puis lâché chaque année depuis 2010 en différents endroits. Aujourd’hui, les régions productrices de châtaignes ont retrouvé leur niveau de production d’il y a 10 ans. « Une grande victoire » dit Nicolas Borowiec, ingénieur à l’Inra, lors d’une visite d’Entomopolis, bâtiment ultra-sécurisé où sont élevés en confinement absolu aussi bien des ravageurs comme les punaises, que les « auxiliaires » qui vont les anéantir. Le plus connu est le trichogramme, une micro-guêpe parasitoïde qui va pondre ses œufs dans les larves des gloutonnes pyrales, empêchant leur développement. « Nous cherchons à diversifier leur utilisation, connue depuis plusieurs décennies pour le maïs » explique Nicolas Ris, ingénieur. Des trichogrammes pourraient bientôt protéger riz, canne à sucre, ou tomate sous serre. Plusieurs installations expérimentales aident à mieux comprendre ces micro-insectes de moins d’un demi-millimètre de long, si utiles à l’homme.

Un serpentin sinusoïdal permet d’étudier leurs déplacements. Sous une plaque de plexiglas reliée à des bouteilles d’huiles essentielles – un olfactomètre – on teste les odeurs qui les attirent ou les repoussent. « Le plant de maïs émet une odeur pour signaler qu’il est attaqué par des ravageurs, et le trichogramme sait reconnaître l’odeur de la plante qui appelle au secours » explique un chercheur. Les deux prochains défis de l’Inra portent sur l’éradication du carpocapse de la pomme, larve qui se repait du fruit le plus consommé en France, et du drosophile suzukii, moucheron originaire d’Asie qui détruit les cerises et les fraises. Dans le premier cas, les chercheurs acclimatent depuis deux ans un parasitoïde, Mastus ridens, issu du Kazakhstan. S’attaquant à la larve, il a déjà donné de bons résultats aux Etats-Unis, au Chili, en Argentine, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Les premiers lâchers en verger devraient intervenir d’ici à 2019. Contre le drosophile suzukii, la micro-guêpe Ganapsis fait figure de « candidat prometteur », mais l’Inra n’attend pas d’autorisation de l’introduire dans l’environnement avant deux ans. Il faut notamment s’assurer d’abord de son innocuité pour la biodiversité. De quoi faire piaffer les arboriculteurs bio qui attendent une solution naturelle alternative contre le drosophile, alors que le principal insecticide chimique, le diméthoate, a été interdit en France en 2016. « Parfois on a des loupés » admet le chercheur Xavier Faubergue, en citant la lutte contre la mouche de l’olive. Le parasitoïde introduit entre 2007 et 2010 en France n’a pas fonctionné, « probablement parce que les hivers y sont trop froids ». Côté champignons et micro-organismes contre les fusarioses du blé et autres moisissures des plantes, le potentiel de la lutte biologique est encore plus élevé. La course est lancée pour trouver la molécule naturelle qui vaincra le mildiou sur les vignes ou les tomates. « Les champignons sont des usines à molécules, ils présentent beaucoup de potentiel phytosanitaire et pharmacologique » souligne Michel Ponchet dans son laboratoire. « Les industriels sont d’ailleurs beaucoup plus impliqués dans ce secteur que dans celui des insectes » ajoute Thibaud Malausa, coordonnateur scientifique du biocontrôle à l’INRA. Le nombre des autorisations de mise sur le marché de produits de biocontrôle s’est élevé à 400 l’an passé en France, soit 20% du total des AMM prononcées pour des produits phytosanitaires, qui, elles, ont chuté de 30% entre 2008 et 2017 à 1.930 contre 3.036, a indiqué mercredi Roger Genet, directeur-général de l’Anses lors d’une audition devant le Sénat. Le président de l’INRA, Philippe Mauguin, a estimé pour sa part, également devant le Sénat, que la France a la capacité à devenir « leader européen et peut-être mondial du biocontrôle ».