Destruction d’espèces protégées : le Conseil d’Etat veille (2 mn)

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Saisi d’un recours en cassation contre l’annulation, par le tribunal administratif de Toulouse, de l’autorisation de destruction d’espèces protégées dans le cadre du projet de méga-centre commercial Val Tolosa, le Conseil d’Etat vient de préciser sa jurisprudence.

C’est un centre commercial implanté sur 30 ha, dénommé Val Tolosa, que la société Unibail-Rodamco envisage de construire à Plaisance-du-Touch, dans l’agglomération toulousaine. Problème : le site est occupé par 46 espèces faunistiques et floristiques protégées. Le 12 juillet 2017, le promoteur a donc obtenu du préfet de Haute-Garonne qu’il publie un arrêté « portant dérogation aux interdictions de capture, enlèvement, destruction, perturbation intentionnelle de spécimens d’espèces animales protégées, de destruction, altération, dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos d’espèces animales protégées et d’arrachage et d’enlèvement de spécimens d’espèces végétales protégées, dans le cadre de la réalisation du centre commercial et de loisirs  » Val Tolosa « , sur le territoire de la commune de Plaisance du Touch (Haute-Garonne) ».

Cet arrêté est-il légal ? Non, pour les associations Présence-Les Terrasses de la Garonne, FNE Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées, qui saisissent le tribunal administratif en référé (procédure d’urgence) en raison de l’imminence du démarrage des travaux.

Celui-ci donne raison aux associations requérantes, et suspend l’arrêté du préfet. Le promoteur ne s’avoue pas vaincu, et introduit devant le Conseil d’Etat un pourvoi en cassation contre cette décision du juge administratif toulousain. Cette saisine fournit à la haute juridiction l’occasion de clarifier les conditions, très restrictives et surtout cumulatives, dans lesquelles un arrêté peut permettre, à titre dérogatoire, la destruction d’espèces protégées.

« Un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats, écrivent les magistrats, ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Il est désormais clair qu’une telle dérogation n’est possible que si elle est justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur, ET qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, ET que cette destruction ne porte pas préjudice au maintien dans un bon état de conservation des espèces concernées.

A ce stade, l’arrêté du préfet n’est pas annulé, seulement suspendu : le tribunal administratif examinera le dossier au fond à la fin du mois. Mais les motivations très claires de l’arrêt du Conseil d’Etat, qui confirme le doute sérieux sur la légalité de cet arrêté, ne semblent pas laisser de grande marge de manœuvre aux juges toulousains. En tout état de cause, il est vraisemblable que la décision au fond fera à nouveau l’objet d’un appel, voire d’un nouveau pourvoi devant le Conseil d’Etat… dont la position est désormais connue.

La décision a été rendue par les 5ème et 6èmes chambres réunies, ce qui donne une indication de l’attention particulière que la haute juridiction a accordée à l’affaire. Elle est publiée sur le site LégiFrance.

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