Pythons en Floride ou rats à Hawaï… Les espèces envahissantes se développent d’abord dans les zones à forte concentration humaine, en particulier les îles et les régions côtières, révèle une étude parue lundi.
Selon ce tout premier recensement mondial, les principales concentrations d’espèces envahissantes se trouvent à Hawaï, dans l’Ile du Nord de la Nouvelle-Zélande et dans les Petites îles de la Sonde en Indonésie. L’archipel hawaïen accueille un très grand nombre d’espèces intrusives longtemps inconnues: rats, porcs sauvages… Au milieu du Pacifique, les plantes locales y sont évincées par le morella faya, un arbuste à croissance rapide de Macaronésie, et les moustiques, arrivés au 19e siècle, ont décimé la moitié des oiseaux tropicaux endémiques. La Floride est la région continentale la plus menacée au monde par des centaines d’espèces importées: silures grenouilles (poisson prédateur capable de résister des heures hors de l’eau), iguanes géants, pythons ou escargots géants africains vecteurs de parasites pouvant transmettre la méningite. La côte californienne, le nord de l’Australie, l’Europe (notamment la France pour les amphibiens, l’Allemagne pour les araignées, le Royaume-Uni pour certaines plantes, l’Italie pour les poissons d’eau douce) ne sont pas en reste.
La carte mondiale produite par les chercheurs de l’université de Durham (Royaume Uni), met nettement en évidence le rôle de l’Homme dans cette prolifération. « Nous montrons que les régions à forte densité de population, et aussi les régions plus riches, ont plus d’espèces intrusives », indique à l’AFP le biologiste Wayne Dawson, auteur principal de cette étude parue dans Nature Ecology and Evolution.
Tous ces nouveaux venus ne sont pas nocifs. Mais ceux qui le sont contribuent largement au déclin de la vie sauvage actuellement en cours dans le monde. Par exemple, les forêts de l’île de Guam sont aujourd’hui réduites au silence, après avoir en 50 ans perdu leurs oiseaux, dévorés par un serpent nocturne, boiga irregularis, dit le « serpent brun arboricole ».
La carpe asiatique désormais domine les rivières américaines, et l’écureuil gris d’Amérique du nord a remplacé le petit roux dans les parcs londoniens. La plupart de ces espèces arrivent sur leurs nouveaux territoires en profitant des déplacements humains.
Parfois c’est à dessein. Ainsi des propriétaires terriens à Hawaï ont à une certaine époque importé des mangoustes pour lutter contre les rats infestant les champs de canne à sucre. Sauf que les rats sont des animaux nocturnes, et ils ont continué à prospérer, tandis que les diurnes mangoustes se sont rabattues sur les oiseaux locaux. Plus souvent, les espèces envahissantes empruntent les cales des cargos. Comme le frelon asiatique, arrivé en Europe il y a une douzaine d’années dans une cargaison de poteries chinoises. Les eaux de ballast destinées à équilibrer les bateaux lors du chargement et du déchargement du fret, sont aussi un vecteur important pour les passagers clandestins, poissons mais également bactéries et virus.
Adoptée en 2004, une Convention internationale doit finalement entrer en vigueur en septembre, qui imposera aux gros navires de traiter leurs eaux de ballast. « Nous sommes vraisemblablement en train de créer une nouvelle Pangée, le super-continent unique qui, il y a 335 millions d’années, connectait toutes les terres, estime M. Dawson. Les conséquences sont importantes: la création de communautés d’espèces nouvelles, avec des mélanges issus de partout dans le monde, des écosystèmes altérés, et l’extinction de certaines espèces ». Les impacts financiers ne sont pas négligeables. Selon une étude française publiée en 2016, les insectes envahissants font à eux seuls chaque année au moins 69 milliards d’euros de dégâts dans le monde (dommages aux biens et services, en matière de santé, pertes agricoles…), un chiffre largement sous-estimé, selon les chercheurs.