Les mandrills évitent d’entrer en contact avec leurs congénères infectés par des amibes gastro-intestinales grâce à leur odorat, afin d’échapper à toute contamination.
Ces travaux du CNRS, publiés dans la revue Science Advances, montrent que les parasites influencent les comportements sociaux des primates qui développent une stratégie d’évitement parasitaire grâce à un mécanisme olfactif. Le « Projet Mandrillus » a été initié en 2012 au sud du Gabon pour étudier l’écologie de la seule population au monde de mandrills sauvages habitués à l’Homme. Les fréquents comportements de toilettage de ces primates, qui servent certainement à éliminer les ectoparasites, jouent aussi un rôle majeur dans la cohésion sociale du groupe en apaisant les tensions après un conflit par exemple.
Forts de cinq ans d’observation in situ, les chercheurs ont montré que les mandrills infectés par des amibes gastro-intestinales étaient moins toilettés par leurs congénères que les mandrills sains, en particulier au niveau des zones corporelles à fort risque contagieux : les zones ano-génitales.
Pour pousser plus loin leurs investigations, les chercheurs ont mené une expérience de « déparasitage ». Ils ont capturé des mandrills infectés pour les traiter contre les amibes avant de les relâcher au sein de leur groupe. Une fois libérés de leurs parasites, les singes ont de nouveau été intégrés à de fréquentes séances de toilettage.
Les chercheurs ont alors vérifié si la communication olfactive chez les mandrills pouvait expliquer ce phénomène d’évitement des congénères infectés. Des analyses chimiques ont dans un premier temps permis de montrer que les odeurs des substances fécales de mandrills parasités et non parasités étaient différentes. Ce résultat a ensuite été renforcé par des tests comportementaux, effectués en conditions contrôlées sur une trentaine de mandrills en milieu captif, au sein d’un institut de recherche gabonais. Lors de ces expériences, des bambous ont été partiellement recouverts de matières fécales d’un mandrill collectées à des moments différents : lors d’une période où il était parasité par des amibes et lors d’une autre période où il ne l’était pas. Ces bambous ont été présentés aux mandrills captifs. Les chercheurs ont curieusement observé que les mandrills captifs reniflaient les bambous qui leur étaient présentés mais évitaient activement ceux qui avaient été mis en contact avec la matière fécale infectée. Cet évitement sélectif constitue une démonstration élégante d’un potentiel mode de communication olfactif impliqué dans l’évitement comportemental et social du parasitisme.
Ces travaux montrent que les parasites semblent influencer les comportements des mandrills en façonnant les relations sociales au sein de leur groupe, au même titre que les relations d’apparentement ou l’impact du rang social par exemple. Aujourd’hui centrée sur l’influence des parasites transmissibles par simple contact, cette étude sur l’évolution des comportements antiparasitaires pourra être étendue à des agents pathogènes possédant d’autres modes de transmission, comme les vers nématodes qui se transmettent par l’environnement ou des rétrovirus qui se propagent entre autre par les morsures entre mandrills mâles.