Les missions de l’Office français de la biodiversité (OFB), critiqué par des syndicats agricoles, doivent faire l’objet d’un « rééquilibrage entre prévention et répression », selon un rapport sénatorial publié mercredi, qui suggère même de « dépénaliser certaines infractions environnementales ».
Dans un rapport d’information, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat formule ainsi des propositions visant notamment ce « rééquilibrage » pour « une police de l’environnement mieux acceptée et plus apaisée ».
Le rapport, écrit par le sénateur LR Jean Bacci, a été adopté par la majorité sénatoriale, une alliance droite-centristes, avec le soutien du groupe macroniste.
La gauche s’y est opposée, estimant qu’une « majorité des recommandations semble se borner à envoyer des gages à une partie du monde agricole et à remettre en cause le fonctionnement et le travail des agents de l’OFB sur le terrain », selon un communiqué du groupe socialiste.
« A l’heure où on a l’impression que la République a abandonné la biodiversité, c’est un coup supplémentaire pour venir fragiliser toute l’approche de conservation », a regretté auprès de l’AFP Cédric Marteau, responsable de l’association de protection de la nature LPO et administrateur de l’OFB.
L’OFB compte 3.000 agents, dont 2.000 sur le terrain. Parmi eux, 1.700 inspecteurs de l’environnement disposent de pouvoirs de police administrative et judiciaire. A ce titre, ils font respecter les règles en matière d’usage des pesticides, d’arrachage de haies ou encore de respect des arrêtés sécheresse.
Pendant la crise agricole l’hiver dernier, l’organisme avait été critiqué par certains syndicats et plusieurs antennes locales avaient vu leurs bâtiments dégradés ou bloqués par du lisier ou des feux de pneus.
Le 31 mars, un incendie a détruit une partie de l’ancienne capitainerie de Brest, qui abrite les bureaux de l’OFB, cible la veille de nombreux tirs de fusées et feux de détresse de pêcheurs en colère.
La FNSEA et les Jeunes agriculteurs avaient demandé fin janvier de « désarmer les agents » de l’OFB pour réorienter son action vers « la pédagogie ».
« Dépénaliser »
La première requête n’est pas reprise par la mission sénatoriale, qui propose toutefois de « proportionner la visibilité du port de l’arme à la conflictualité potentielle des situations de contrôle ».
Elle suggère, en revanche, de « rééquilibrer les missions de l’OFB au profit de la prévention ».
Les sénateurs prônent ainsi « une réflexion visant à dépénaliser certaines infractions environnementales afin de favoriser un meilleur équilibre entre police judiciaire et police administrative ».
Ce qui revient à « faire des timbres-amendes sans procédure judiciaire », selon Cédric Marteau, qui préfère que chaque affaire reste à « la discrétion de la justice ».
Les recommandations reprennent aussi certaines dispositions du projet de loi d’orientation agricole adopté fin mai par l’Assemblée nationale, resté lettre morte après la dissolution. Un amendement gouvernemental avait déjà révisé l’échelle des peines en cas d’atteinte à l’environnement, réservant « la qualification de délit » aux atteintes intentionnelles.
Les députés avaient aussi fait un pas vers un « droit à l’erreur » des agriculteurs, approuvant le principe d’une bonne foi « présumée » de l’exploitant en cas de contrôle.
Les sénateurs reprennent l’idée d’un « droit à l’erreur » et prônent « des contrôles pédagogiques sans verbalisation, en partenariat avec les chambres d’agriculture » ou encore de « développer les mesures alternatives aux poursuites ».
« Il y a des lois, elles s’imposent à tous », estime pour sa part Cédric Marteau. « Imaginez le policier qui vous dit +vous avez un peu bu, vous n’avez pas la ceinture mais pour cette fois ça passe+… »
L’an dernier, l’Etat avait été condamné par le tribunal administratif de Paris à réparer sous un an un « préjudice écologique » lié à l’utilisation massive des pesticides dans l’agriculture, accusée de causer un effondrement de la biodiversité.
Ces 30 dernières années en Europe, les populations d’insectes volants ont diminué de 75% et les populations d’oiseaux des champs ont chuté de 30% en France, selon des études citées par les ONG qui ont fait condamner l’Etat.