Mégabassines: vers des prélèvements d’eau réduits dans le Marais poitevin ?

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Bassines non merci
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Le développement des « bassines » du Marais poitevin, des réserves d’eau destinées à l’irrigation agricole contestées, est suspendu à une décision du tribunal administratif de Poitiers, où le rapporteur public a préconisé mardi de limiter les prélèvements d’eau dans la zone.

Ceux-ci sont fixés par une autorisation unique pluri-annuelle (AUPP) délivrée en 2021 par l’État – les préfectures de Vendée, Deux-Sèvres, Charente-Maritime et Vienne – à un établissement public chargé de les répartir jusqu’en 2026 entre irrigants, y compris ceux raccordés à des « bassines ».

Ces réserves dites « de substitution » visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes en hiver afin d’irriguer les cultures en été. Leurs partisans y voient une assurance-récolte indispensable à la survie des exploitants face aux sécheresses à répétition. À l’inverse, leurs détracteurs dénoncent un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie.

Certaines fonctionnent déjà dans la région. D’autres sont en construction ou programmées. Celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), théâtre d’une violente manifestation l’an dernier, doit être remplie cet hiver.

Jugeant les volumes autorisés excessifs par rapport à l’eau disponible dans le Marais poitevin, qui connaît un déficit structurel, une association, Nature Environnement 17, a saisi le tribunal pour faire annuler cette AUPP.

Pour les mêmes motifs, elle avait fait retoquer la précédente, en 2019, par la juridiction administrative de Poitiers. Le rapporteur public a incité cette dernière mardi, « sauf à se déjuger », à prendre la même décision, « tant le texte attaqué ressemble au précédent ».

Il y a cinq ans, les juges avaient estimé que les volumes autorisés ne permettaient pas d’assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource, contrevenant ainsi au Code de l’environnement. Et qu’ils étaient incompatibles avec les schémas locaux de gestion de l’eau veillant à la préservation des milieux naturels.

Or, selon le magistrat, rien n’a changé dans la nouvelle AUPP. Il a conclu à son annulation en suggérant de délivrer une autorisation provisoire qui permettrait aux irrigants d’avoir toujours accès à l’eau, mais avec des volumes réduits, le temps que l’État revoie sa copie une nouvelle fois.

À l’audience, un représentant de la préfecture de Vendée, cheffe de file, a souligné qu’une telle décision pèserait fortement sur la saison agricole actuelle, dont les assolements ont été faits en fonction de l’autorisation en vigueur.

Au-delà, le jugement à venir, en bridant la capacité globale de prélèvement d’eau, pourrait compromettre le remplissage des réserves de substitution, en service ou vouées à l’être d’ici à 2026. Voire obérer l’avenir de ce que l’administration, et d’autres juridictions administratives, considèrent comme un outil pour parvenir à l’équilibre de la ressource dans le Marais poitevin et ailleurs.

Près d’une centaine de retenues sont en service ou en projet dans la région: 25 sont opérationnelles en Vendée; seize sont prévues dans les Deux-Sèvres, dont celle de Sainte-Soline, mais une seule fonctionne déjà; une trentaine sont envisagées dans la Vienne et une vingtaine en Charente-Maritime.

Le tribunal tranchera le 9 juillet, à dix jours d’une nouvelle manifestation contre les « mégabassines » dans le Poitou.