Après les violences de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), la justice a choisi la fermeté mercredi contre trois militants antibassines, condamnés à de la prison avec sursis pour organisation de manifestations interdites, un jugement qualifié de « politique » par les opposants à ces réserves d’irrigation.
A six mois d’un nouveau rassemblement, le tribunal correctionnel de Niort a suivi quasiment à la lettre les réquisitions du procureur qui avait fustigé le « climat de terreur » dans le département lors d’un procès houleux, dans la droite ligne des manifestations violentes à Sainte-Soline en octobre 2022 et mars 2023. Porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), Julien Le Guet a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et à une interdiction de paraître pendant trois ans à Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), où se trouve la première des 16 bassines contestées en projet. « Nous espérions avoir un juge indépendant. Au contraire, nous avons eu un jugement politique avec un juge aligné sur des positions gouvernementales à l’envers du bon sens et de l’urgence climatique », a réagi Julien Le Guet, dénonçant « l’argumentaire clairement pro-bassines du juge ».
« Éco-terroriste »
Vêtu d’un sweat-shirt portant la mention « éco-terroriste », il a appelé à « continuer la bataille sur le terrain, sur le plan juridique et politique ». Il a ensuite indiqué lors d’une visioconférence de presse faire appel de cette décision comme quatre des huit autres prévenus, d’autres organisations souhaitant soumettre cette décision à leurs assemblées générales. Parmi ceux qui font appel figurent les membres du collectif Les Soulèvements de la Terre Joan Monga, alias Basile Dutertre, et Nicolas Garrigues, alias Benoît Feuillu, condamnés respectivement à neuf mois et six mois de sursis, avec également interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres. Benoît Feuillu a dénoncé « des peines de bannissement politique » visant « des personnes parce qu’elles auraient pris la parole pour un mouvement ». « C’est absolument scandaleux », a ajouté le militant, qui s’était présenté à l’audience comme simple « lanceur d’alerte », niant comme les autres prévenus être l’organisateur des manifestations interdites. Basile Dutertre, absent mercredi, a également été condamné pour le vol d’une valve de canalisation pour l’arrosage des céréales, à Épannes (Deux-Sèvres) en mars 2022. Ces mesures d’interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres, assorties d’une exécution provisoire, pourraient empêcher ces militants de participer à la prochaine mobilisation contre les « bassines » annoncée en juillet dans un lieu à définir dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris. « Le lieu d’une mobilisation ne se décide pas en fonction des interdictions de territoire de neuf personnes, mais (…) de là où il faudra être pour impacter les projet des bassines », a précisé Benoît Feuillu en visioconférence de presse. Le tribunal a également prononcé des amendes contre les six autres prévenus pour leur implication dans quatre mobilisations autour des chantiers contestés entre le 26 mars 2022 et le 25 mars 2023. Parmi eux figuraient deux membres de la Confédération paysanne, deux syndicalistes locaux affiliés respectivement à la CGT et Solidaires, un membre de BNM et un agriculteur bio. Pour les agriculteurs irrigants, qui avaient évoqué à l’audience leur « traumatisme », ce jugement est un soulagement. « Être reconnus comme victimes, pour nous, c’est important », a déclaré à la presse Thierry Boudaud, président de la Coop de l’eau, groupement d’agriculteurs qui porte le projet de 16 réserves contestées.
« La violence ne résout rien »
« Il y a un message qui est passé pour dire: +La violence n’aboutit à rien, ne résout rien+. Les faits de violence sont graves, pour nous c’était important d’entendre que la gestion de l’eau doit se faire dans le dialogue. » Ces « réserves de substitution », qui visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes en hiver afin d’irriguer les cultures en été, sont pour leurs partisans une assurance-récolte indispensable à leur survie face aux sécheresses à répétition. A l’inverse, leurs détracteurs décrivent un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie. Après de premières violences en octobre 2022 à Sainte-Soline, la manifestation de mars 2023 avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants ont passé plusieurs semaines dans le coma. La Ligue des Droits de l’Homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l’ordre. Une commission d’enquête parlementaire a en revanche conclu mi-novembre à la « responsabilité écrasante » des trois mouvements qui avaient appelé à manifester à Sainte-Soline, en dépit d’interdictions préfectorales.