Face à la prolifération du moustique tigre, la mission de l’opérateur historique de lutte contre le « moustique des marais » sur le littoral méditerranéen français a été dévoyée, relèvent la Chambre régionale des comptes d’Occitanie et un chercheur de l’Université de Montpellier.
« Nous avons des moustiques qui relèvent de l’Etat et d’autres qui relèvent des collectivités. Lorsqu’un moustique transmet un danger infectieux aux animaux ou aux humains, il relève de l’Etat. Lorsque le moustique nuit aux touristes qui prennent l’apéro en bord de mer, il relève de la collectivité. Ce décret a créé de la confusion », a estimé Didier Fontenille, directeur de recherche émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier, membre du Covars (comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires).
Depuis un décret publié en 2019, la lutte contre le moustique tigre, appelée lutte antivectorielle (Lav), a été confiée aux agences régionales de santé (ARS), dont la mission est notamment de surveiller ses nouvelles implantations. Depuis 2020, le rôle du maire a également été réaffirmé.
Mais, sur le pourtour méditerranéen, l’entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID-Med) s’était lancée dans cette lutte bien avant le décret.
Lors de sa création en 1959, l’EID Méditerranée, financée par les Pyrénées-Orientales, l’Aude, l’Hérault, le Gard et les Bouches-du-Rhône et par le Conseil régional d’Occitanie, avait pour fonction la démoustication du littoral – « moustiques des marais » – afin de faciliter l’implantation, dans le cadre de la Mission Racine, de plusieurs stations touristiques en Camargue, donnant naissance notamment au Grau-du-Roi, La-Grande-Motte ou Port-Barcarès.
Dans son rapport publié le 28 juin, la Chambre régionale de la cour des comptes (CRC) Occitanie estime que la mission première de l’EID-Med a été dévoyée car « percutée par l’invasion du moustique tigre », que le syndicat gère en tant que prestataire par le biais d’appels d’offre pour le compte de l’ARS.
« Nous constatons qu’il y a une base juridique complexe et un peu contradictoire entre la mission de démoustication de l’EID-Med prévue depuis 1964, et celle de la lutte antivectorielle devenue compétence de l’Etat en 2019 », a expliqué Valérie René, présidente de la CRC Occitanie.
Si le périmètre d’actions de l’EID se concentre sur les cinq départements qui le financent, celui de la prolifération du moustique tigre s’étend lui dans les terres, sur les deux-tiers des départements français. « Comment confier une double mission quand, territorialement, les deux stratégies sont différentes ? », s’interroge Didier Fontenille.
Arrivé dans l’Hexagone en 2004, le moustique tigre s’est progressivement implanté sur une grande partie du territoire métropolitain. Il est présent dans 78 départements sur 96 et est vecteur des virus de la dengue, du chikungunya et du Zika.