L’Etat et Boralex, la société exploitant un projet contesté de centrale photovoltaïque sur les flancs de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), ont été condamnés vendredi par la cour administrative d’appel de Marseille pour ne pas avoir recherché de site alternatif affectant moins la biodiversité.
Les juges administratifs ont donné raison à plusieurs associations écologistes, d’abord déboutées en première instance, qui contestaient un arrêté pris en 2020 par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, dans les Préalpes françaises, accordant à Boralex une dérogation aux interdictions de destruction, de perturbation intentionnelle ou de dégradation de spécimens et d’habitats d’espèces animales protégées.
« Aucune solution alternative d’implantation du projet au-delà du territoire communal n’a été recherchée (…) alors que la zone identifiée par la commune n’était pas artificialisée », a expliqué la Cour dans son arrêt, consulté par l’AFP.
« L’existence de plusieurs projets d’installation de parcs photovoltaïques en cours ou à l’étude à proximité immédiate laisse pourtant penser que des alternatives existaient », ont-ils ajouté, reprochant donc au préfet d’avoir « commis une erreur d’appréciation » en accordant cette dérogation.
L’Etat et Boralex devront verser chacun 1.000 euros à l’association des Amis de la montagne de Lure (Amilure) qui avait porté le recours.
Presque terminé, le chantier de ce site en construction depuis plusieurs mois devait se terminer prochainement. Prévu sur 17 hectares aux portes du Parc naturel régional du Luberon, près de Cruis, cette centrale aux 20.000 panneaux solaires doit produire 26 GWh d’énergie verte par an, soit la consommation électrique annuelle d’environ 12.000 habitants, selon son promoteur.
Or des centaines d’arbres ont dû être abattus sur cette parcelle, cédée par le village de Cruis contre loyer, bien exposée au soleil et offrant un excellent rendement énergétique potentiel. Le site fait partie d’un espace naturel forestier préservé (Luberon-Lure) intégré depuis 2010 au réseau des réserves de biosphère de l’Unesco.
« L’annulation de la dérogation espèces protégées ne remet pas en cause le droit de Boralex d’exploiter la centrale solaire de Cruis. Elle ne remet pas non plus en cause notre présence sur le site ni les travaux de finition de la centrale, non concernés par cette dérogation espèces protégées », a estimé Boralex auprès de l’AFP.
« On s’interroge sur les conséquences pratiques, avec les services de l’Etat, de cette annulation », a cependant tempéré l’avocat de cette société canadienne, Me Antoine Guiheux, précisant que Boralex allait « vraisemblablement » se pourvoir en cassation.
« C’est une victoire du mouvement associatif contre l’Etat et sa complaisance avec les industriels, alors qu’il était possible d’installer ces panneaux sur des terrains déjà dégradés (…) au lieu de sacrifier une biodiversité remarquable », a réagi Pierre Lavoie, membre du bureau collégial d’Amilure.
« Ce jugement est suspensif et concrètement Boralex ne peut plus rien faire, rien exploiter », a jugé de son côté Pierrot Pantel, ingénieur écologue et coordinateur de luttes environnementales.
Confiant qu’une éventuelle décision du Conseil d’Etat irait en faveur des associations environnementales, il envisage déjà « condamner Boralex pour préjudice écologique en demandant une remise en état du site », même si « cela va prendre un certain temps ».