Bassines: reprise du procès des organisateurs des manifestations interdites 

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bassines non merci
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Le procès des organisateurs des manifestations contre les « bassines » à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), qui avait été interrompu début septembre en raison de la longueur des débats, a repris mardi matin devant le tribunal correctionnel de Niort.

« On peut espérer que le juge du tribunal de Niort estime lui aussi que prendre part à ces grandes mobilisations pour la défense de l’eau, pour la défense du climat, ne mérite absolument pas d’être condamné », a déclaré avant l’audience Benoît Feuillu, militant des Soulèvements de la Terre, dont la dissolution demandée par le ministère de l’Intérieur a été annulée début novembre par le Conseil d’Etat.  La justice lui reproche, comme à Basile Dutertre, autre militant des Soulèvements de la Terre, Benoît Jaunet et Nicolas Girod, représentants de la Confédération paysanne, et Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), d’avoir organisé la manifestation interdite du 25 mars émaillée de violents affrontements avec les forces de l’ordre.  Trois d’entre eux, ainsi que deux syndicalistes CGT et Solidaires des Deux-Sèvres, David Bodin et Hervé Auguin, répondent aussi de la manifestation du 29 octobre 2022 contre ces réserves d’eau à usage agricole, elle aussi jalonnée de heurts.  Sébastien Wyon, de la Confédération paysanne, et Nicolas Beauvillain de BNM, comparaissent, enfin, pour le vol d’une valve de canalisation pour l’arrosage des céréales, à Épannes (Deux-Sèvres), le 23 mars 2022, qui est également reproché à Basile Dutertre, seul des neuf prévenus absent mardi.  Les militants anti-bassines, entrés dans le tribunal en scandant « No Bassaran » et « On bâche rien », encourent six mois d’emprisonnement, outre des peines complémentaires pouvant aller jusqu’à la privation des droits civiques.  Le 8 septembre, le tribunal avait suspendu l’audience « pour la sérénité des débats » qui s’étaient éternisés pendant huit heures dans une ambiance surchauffée.

« Faiblesse de l’enquête »

Certains prévenus s’étaient présentés comme des « lanceurs d’alerte » d’une « guerre de l’eau qui a déjà commencé ». Ils avaient nié être les organisateurs des manifestations, en mettant en avant la « diversité » du mouvement, « une vaste communauté », « sans chef » ne « reposant pas sur une organisation verticale » ou « militaire ».  Mardi matin, le président Eric Duraffour a coupé sèchement Julien Le Guet qui répondait dans la salle à des journalistes, en déclarant: « Ici, c’est un tribunal, pas une tribune ».  Les débats ont ensuite repris avec l’audition des témoins qui n’avaient pu être entendus et d’un avocat des parties civiles, avant les réquisitions du parquet et les plaidoiries des six avocats de la défense, qui pointent « la faiblesse de l’enquête ».  Comme lors de la première audience, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés avant l’ouverture des débats « pour revendiquer des relaxes et accompagner les prévenus ».  Des tables rondes, projections et retransmissions théâtrales sont également prévues tout au long de la journée dans le centre de Niort, la préfecture des Deux-Sèvres ayant à nouveau interdit toute manifestation aux abords du tribunal.  Seize retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole, surnommées « bassines » par leurs opposants, sont programmées dans le Marais poitevin, dont celle de Sainte-Soline. Elles visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient.

Assurance-récolte ou « accaparement »?

 Leurs partisans en font une assurance-récolte indispensable à leur survie face aux sécheresses à répétition; les opposants dénoncent, eux, un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie et réclament un moratoire.   Ils mettent en exergue l’annulation par la justice administrative début octobre de deux projets portant sur la création de 15 retenues d’eau en Poitou-Charentes, pour leur inadaptation aux effets du changement climatique.  Après de premières violences en octobre 2022 à Sainte-Soline, la manifestation de mars avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants ont passé plusieurs semaines dans le coma.  Dans un rapport, la Ligue des droits de l’homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l’ordre.  Une commission d’enquête parlementaire sur les violences en manifestations a conclu pour sa part mi-novembre à la « responsabilité écrasante des trois organisateurs » de Sainte-Soline qui se sont pensés « comme des +soldats+ d’une cause intégrant pleinement l’enjeu et la nécessité de la radicalité violente ».