Dauphins: le gouvernement envisage des dérogations pour les fermetures de pêches hivernales

blende12 de Pixabay

949
blende12 de Pixabay
⏱ Lecture 3 mn.

Le gouvernement, contraint par la justice de fermer des zones de pêches hivernales dans l’Atlantique pour préserver les dauphins, envisage de permettre une dérogation totale pour les navires équipés de dispositifs à l’efficacité pourtant contestée par les ONG, selon un projet d’arrêté consulté jeudi par l’AFP.

Le texte, qui doit être mis en consultation publique à brève échéance, prévoit d’interdire l’usage de plusieurs types de chaluts et filets « dans le Golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février inclus pour les années 2024 à 2026 », compte-tenu de la recrudescence d’échouages de dauphins à cette période.  Toutefois, « pour l’année 2024, l’interdiction (…) ne s’applique pas aux navires équipés de dispositifs techniques actifs de réduction des captures accidentelles ou d’un système actif d’observation électronique à distance », prévoit le projet d’arrêté, autrement dit pour les bateaux équipés de systèmes répulsifs acoustiques (« pingers » sur la coque ou balises sur les filets) ou bien dotés de programmes informatiques avec des caméras sous l’eau.  « C’est un dispositif qui sera finalisé après la consultation du public qui se termine fin septembre », a simplement commenté auprès de l’AFP le secrétariat d’Etat chargé de la Mer.  « On va réfléchir à toutes les suites juridiques qu’il convient d’apporter à cette décision qui est décevante et ne permet pas de respecter l’injonction du Conseil d’Etat », a réagi Jérôme Graefe, juriste pour France Nature Environnement (FNE). « Cet arrêté prévoit de multiples exceptions », regrette-t-il.  Le Comité national des pêches a de son côté renouvelé son soutien aux différents dispositifs de répulsion (balises acoustiques et émetteurs fixés sur filet ou sur coque).  Actuellement, trois dispositifs sont testés par une trentaine de navires: « à court terme, la question de leur déploiement à grande échelle dépend notamment de la disponibilité de ces dispositifs, toujours en test. A ce stade, il n’y a pas de recul suffisant pour évaluer leur efficacité, mais à terme, nous espérons qu’ils permettront une cohabitation pérenne des populations de cétacés et des pêcheurs dans le Golfe de Gascogne », a-t-on ajouté au Comité.  Le projet d’arrêté fait suite à une décision en mars du Conseil d’Etat, saisi en 2021 par plusieurs associations de défense de l’environnement.  La plus haute juridiction administrative a estimé que les mesures actuelles, dont l’expérimentation de ces dispositifs acoustiques, ne permettaient « pas de garantir un état de conservation favorable des espèces de petits cétacés », dont deux – le dauphin commun et le marsouin commun – sont menacés d’extinction, « au moins régionalement ».  Le projet d’arrêté, émanant des services du secrétaire d’Etat à la Mer Hervé Berville, affirme que les systèmes de caméras « sont susceptibles d’apporter une contribution significative » à la lutte contre les captures accidentelles.  « La visibilité apportée aux professionnels de la pêche sur plusieurs années est un facteur déterminant de leur engagement à s’équiper en dispositifs techniques ou en système d’observation électronique à distance », justifie encore le texte dans son préambule.

Un mois au lieu de trois

« Il n’y aura pas assez de matériels pour tout le monde » prévient Olivier Mercier, patron de pêche dans le golfe de Gascogne, dont la coque de l’un de ses bateaux est déjà équipée d’émetteurs de fréquences et de caméras.  « Tous les bateaux ne seront pas tous immédiatement équipés car on n’est pas dans la fabrication d’usine », estime le pêcheur d’Arcachon qui déplore « une décision prise dans l’urgence, sans vision d’avenir ».  « C’est une mesure faite à l’emporte-pièce. Cela fait 20 ans que le problème avec les dauphins existe et pendant toutes ces années, l’Etat n’a rien fait », renchérit Franck Lalande, premier vice-président du Comité régional des pêches maritimes de Nouvelle-Aquitaine.  Lors d’une conférence de presse, FNE a regretté cette exception géographique, l’oubli de certains méthodes de pêche (la senne), ainsi que les exemptions pour les bateaux dotés de certaines technologies.  « Les pêcheurs qui mettront des caméras sur leurs bateaux ou utiliseront des pingers pourront aller pêcher avec les méthodes de pêche destructrices en plein milieu du golfe de Gascogne pendant l’hiver », a déploré Jérôme Graefe.  En outre, l’arrêté porte sur un mois de fermeture contre « trois mois recommandés par les scientifiques » et « ce scénario est manifestement insuffisant pour garantir un taux de mortalité qui soit soutenable sur le long terme pour les dauphins », selon lui.  L’observatoire Pelagis a recensé 1.380 échouages de petits cétacés entre décembre et avril dernier sur le littoral atlantique. La Commission européenne a ouvert en juillet 2020 une procédure d’infraction contre la France dans ce dossier.