Un « délit d’écocide » visant à sanctionner les atteintes graves à l’environnement, dérivé d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, va être créé, mais diverses voix dans la mouvance écologique regrettent que le « crime d’écocide » n’ait pas été retenu.
Un « délit d’écocide » va être créé pour sanctionner les atteintes graves à l’environnement. Dans une interview conjointe au JDD, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili détaillent ce nouveau « délit« , alors que les 150 citoyens de la Convention avaient souhaité la définition bien plus forte de « crime« . « A l’enthousiasme citoyen qui s’est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal« , justifie le garde des Sceaux, faisant valoir un problème de constitutionnalité à l’égard du mot « crime« .
« Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur. Les peines encourues vont de trois ans à dix ans d’emprisonnement selon qu’on est en présence d’une infraction d’imprudence, d’une violation manifestement délibérée d’une obligation et la plus lourde, d’une infraction intentionnelle« , rapporte Eric Dupont-Moretti.
Les amendes iront de 375.000 à 4,5 millions d’euros. « Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu’à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve« , assure le garde des Sceaux. Un deuxième délit de « mise en danger de l’environnement » devrait aussi voir le jour. Les sanctions pourront s’appliquer y compris quand la pollution n’a pas encore eu lieu, a précisé à l’AFP le ministère de la Transition écologique. « Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation« , souligne M. Dupond-Moretti. La peine encourue est d’un an de prison et 100.000 euros d’amende.
Les deux ministres s’entretiendront virtuellement lundi 23 novembre 2020 avec des représentants des 150 citoyens de la Convention pour le climat, alors que les accusations d’un détricotage de leurs proposition se sont multipliées ces dernières semaines. L’association « Notre Affaire à tous » a précisément regretté cette annonce « avec fracas » par voix de presse avant la réunion, y voyant un « bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué« . La juriste Valérie Cabanes, sa présidente d’honneur, se dit « très déçue » : « ce crime contre la sûreté de la planète (…) a été relégué au rang de délit environnemental. Utiliser le terme d’écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens« .
Selon l’ONG, « le crime d’écocide ainsi que les limites planétaires (seuils que l’humanité ne doit pas dépasser pour vivre dans un écosystème sûr, NDLR) sont définitivement enterrés au profit d’un délit général d’atteinte aux eaux, aux sols et à l’air qui semblait déjà en cours de discussion au sein du gouvernement« . « Nous serons d’une extrême vigilance. La notion d’écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l’on veut qu’elle vienne sanctionner les crimes aujourd’hui commis en toute impunité« , a commenté l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de « Notre affaire à tous« .
« La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationales de l’écocide« , a déploré le militant écologiste Cyril Dion sur Twitter. Le réalisateur qui était aussi un des garants de la CCC salue toutefois « une amélioration du droit« . La Convention a été constituée en octobre 2019, à l’initiative du chef de l’État. Elle a regroupé 150 citoyens tirés au sort dans le but de proposer des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle en a proposé 149 à Emmanuel Macron, qui s’est engagé à en reprendre 146. Concernant l’écocide, il s’était engagé à porter « ce combat au nom de la France dans des instances multilatérales« . Mais sur le plan français, il avait noté que la proposition devait encore être travaillée pour respecter les principes fondamentaux du droit français.