L’association suisse ID-eau initie son projet « L’appel du Rhône ». Cette initiative a pour objectif de donner une personnalité juridique au Rhône afin de protéger son écosystème. Un appel de ce genre a également été lancé pour la Seine après la pollution du fleuve par une cimenterie du groupe Lafarge.
L’association ID-eau se mobilise pour que le droit prenne en compte nos liens d’interdépendance avec les autres systèmes et espèces vivantes dont la bonne santé est vitale pour notre survie. À travers une mobilisation citoyenne, collective et transnationale, ID-eau demande « la reconnaissance d’une personnalité juridique au Rhône afin de défendre ses droits à exister, être préservé, se régénérer, évoluer de manière à maintenir et garantir son environnement et sa biodiversité pour nous et pour les générations futures ». Cette initiative est soutenue par plusieurs associations, notamment Rights of Mother Earth, Wild Legal et Notre Affaire à tous.
Dans d’autres pays, plusieurs fleuves se sont vus attribué un statut juridique. C’est le cas de la rivière Vilcabamba, en Équateur (2011), du fleuve Atrato en Colombie (2016) ou encore du fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande (2017). Selon l’ID-eau ces décisions ont eu un impact légal décisif. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, l’utilisation de l’eau, des sols ou des arbres devra au préalable prendre en compte les besoins des communautés et des écosystèmes concernés afin de garantir la protection des droits du fleuve Whanganui et du parc environnant. Pour beaucoup de pays ayant adoptés des textes juridiques, l’application contraignante de leurs dispositions est rare. Une réparation financière des dommages subis peut être demandée aux acteurs responsables de la dégradation des cours d’eau mais si les dommages causés sont irréversibles, il est trop tard pour agir.
« La reconnaissance d’une personnalité juridique et des droits qui en émanent permettrait un recours à des outils légaux contraignants pour que tout un chacun puisse empêcher ou mettre un terme à des activités qui pourraient détruire ou entraver la régénération des écosystèmes et de la biodiversité du Rhône et de ses affluents, dont dépendent les générations actuelles et futures. » explique l’association ID-eau. En droit français, la personnalité juridique est la capacité pour une personne physique ou morale à être sujet de droit. Inscrire un élément de la nature en tant que personnalité juridique, permettrait que ses intérêts soient représentés et défendus contre toutes menaces.
« Ainsi, alors qu’aucun des instruments juridiques nationaux et internationaux n’a permis d’enrayer ou de ralentir les processus qui nous ont conduit à la catastrophe écologique globale que nous connaissons, l’Appel du Rhône vise à donner à chacune et chacun d’entre nous, individus et communautés concernés, les moyens d’agir pour défendre les droits et la survie du fleuve. »
Dans une interview donnée à BFM Paris, le secrétaire national d’Europe Écologie – Les Verts, Julien Bayou a exprimé la nécessité d’attribuer une personnalité juridique à la Seine. Après la pollution du fleuve par une cimenterie du groupe Lafage, il a expliqué vouloir donner des droits à la nature. Dan Lert, adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris en charge de la transition écologique soutient le projet : « Pour la préserver, la Ville va étudier la possibilité de donner une personnalité juridique à la Seine (…). Cela permettrait de pouvoir mener des poursuites judiciaires contre les atteintes à son intégrité »
Donner des droits à la nature est une idée discutée par les juristes. Julien Bétaille, maître de conférences à l’Université Toulouse 1 Capitole, estime que « donner une personnalité juridique à la Seine ne fera pas progresser la répression de la pollution. Les associations ont déjà toute latitude pour poursuivre les délinquants devant les tribunaux au moyen de l’agrément associatif ». L’avocate et ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage juge intéressant de se battre pour les droits de la nature sur le plan symbolique, « mais ça ne changera rien à la carence actuelle dans la répression de la pollution. Les outils existent, ils ne sont pas utilisés ».