Auditionné par l’Assemblée nationale, le Président de l’Autorité environnementale a exprimé ses craintes face à des dérogations n’ayant pas fait l’objet de consultation publique durant le confinement, ce qu’il apparente à un affaiblissement de la démocratie environnementale.
Philippe Ledenvic, le Président de l’Autorité environnementale (Ae), a été auditionné le 30 avril par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, face aux « difficultés inédites » rencontrées par l’instance dans la période actuelle de crise sanitaire. En effet, comment garantir le respect des normes environnementales dans une période marquée par le régime d’urgence sanitaire, dérogatoire par principe ?
Philippe Ledenvic a assuré que l’Ae n’avait pas ralenti son rythme de fonctionnement pendant la période de confinement. « Depuis le début de l’urgence sanitaire, l’Ae s’efforce de rendre ses avis dans les délais prescrits […], grâce en particulier à des visioconférences ». Les visites sur site n’étant plus possibles, « des visioconférences ou télé-conférences leur sont là encore substituées« .
La principale difficulté est liée « à la phase de consultation du public« , avec la crainte que la démocratie environnementale soit considérée comme ralentissant l’action publique en période de crise sanitaire, et soit ainsi bafouée. Philippe Ledenvic a au contraire estimé que les consultations publiques ne faisaient pas perdre de temps : « potentiellement cela en fait gagner en évitant un certain nombre de recours mais surtout cela en fait gagner en termes d’acceptabilité et d’amélioration et de modification des projets« . « La crise sanitaire ne peut être un prétexte pour affaiblir le droit de l’environnement« , a de son côté ré-affirmé la Commission de l’Assemblée nationale.
Pourtant ce sont bien certaines dérogations, prononcées pendant la crise sanitaire sans consultation publique, qui sont dans le viseur de l’Ae. Parmi elles, le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet. L’Ae s’interroge sur le fait que ce texte ne semble pas avoir fait l’objet d’une consultation du public « alors même qu’il prévoit expressément de déroger à des normes visant spécifiquement la protection de l’environnement de façon générale« . Ce décret prévoit en outre une généralisation sur l’ensemble du territoire « sur le fondement d’un rapport partiel et non public« . « L’Ae a essayé de se procurer le rapport d’expérimentation sur lequel se fonde ce décret, il n’est pas accessible« , a remarqué son président. Une fois l’état d’urgence sanitaire levé, « il serait utile de conduire une évaluation publique des effets de ces dérogations afin de consolider la démocratie environnementale et la protection de l’environnement y compris pour le deuxième décret qui n’est pas motivé par l’état d’urgence« , a-t-il enfin estimé.