À l’occasion de la loi « Grenelle II », le législateur a créé un outil juridique permettant une protection réglementaire aisée des habitats naturels, mais cette mesure n’a jamais été mise en oeuvre par les gouvernements successifs. Saisi par la LPO, le Conseil d’Etat vient de sévir.
Il existe des outils juridiques destinés à protéger les milieux naturels : parcs nationaux, réserves naturelles, espaces naturels sensibles… mais du fait de leur mise en œuvre difficile, ou de la protection insuffisante qu’ils assurent, de nombreux habitats sont encore aujourd’hui menacés par les activités humaines.
Ainsi, le réseau Natura 2000 créé par la directive Habitats, qui tend à conserver et restaurer les habitats dits d’intérêt communautaire, repose essentiellement sur une base contractuelle et de ce fait n’est pas considérée comme une protection forte. De plus, le réseau Natura 2000 ne s’étend pas aux territoires d’outre-mer, là où la biodiversité est la plus riche et souvent la plus vulnérable.
À l’occasion de la loi dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010, le législateur a souhaité la création d’un outil juridique permettant une protection réglementaire aisée des habitats naturels, au même titre que la protection des espèces et de leurs biotopes et s’appliquant sur tout le territoire français. À cet effet, il a introduit dans le code de l’environnement l’interdiction de destruction, d’altération ou de dégradation des habitats naturels. Les habitats visés sont ceux dont la conservation est justifiée par un intérêt scientifique particulier, un rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel. Le texte adopté prévoit des mesures règlementaires d’application permettant l’établissement d’une liste limitative des habitats naturels concernés par ces interdictions. Malgré l’impérieuse nécessité de protéger la nature qui s’est traduite par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, malgré les alertes des associations de protection de la nature et malgré le déclin de la biodiversité toujours plus édifiant, ces mesures n’ont jamais été adoptées par les gouvernements successifs.
Sans réponse de l’État à ses demandes répétées de publication des textes d’application, la LPO a saisi le Conseil d’État en 2017. La haute juridiction, par décision du 9 mai 2018, donne raison à l’Association et ordonne au Premier ministre de prendre ces mesures, dans un délai de six mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. « Le Premier ministre, écrivent les juges, n’a pas exercé sa compétence pour déterminer la liste limitative des habitats naturels à protéger au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement. Pourtant, le délai raisonnable au terme duquel le décret aurait dû être adopté, à compter de l’intervention de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, était dépassé à la date du refus attaqué. Par suite, la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d’édicter le décret prévu au 1° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement en ce qui concerne la détermination des habitats naturels doit être annulée ».