Le métam-sodium banni des exploitations maraîchères : le gouvernement a suspendu pour trois mois l’utilisation de ce pesticide, utilisé notamment dans la production de mâche et pointé du doigt après plusieurs intoxications, en attendant un avis de l’agence de sécurité sanitaire.
« L’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active ‘métam’ ou ‘métam-sodium’ est suspendue jusqu’au 31 janvier 2019 », indique un arrêté pris jeudi par le gouvernement et publié vendredi au Journal officiel. Son utilisation pour stériliser les sols avant d’y semer des fruits et légumes était déjà interdite en Maine-et-Loire où des dizaines de personnes ont récemment été intoxiquées par ce produit. La décision n’a pas manqué de faire réagir les maraîchers, qui s’exprimaient pour la première fois depuis le début de la crise et ont fait part de leur vive inquiétude. Ils craignent que la décision des autorités ne jette la suspicion sur une production qui fait vivre des milliers d’agriculteurs dans l’Ouest de la France. « Il y aura beaucoup moins de mâche, de radis ou de poireaux » sur les étals à la saison prochaine, a ainsi alerté Philippe Retière, président de la Fédération des maraîchers nantais. Le maraîchage représente 60% des emplois agricoles de Loire-Atlantique, soit 4.600 emplois qui permettent de produire d’importantes quantités de poireaux, concombres, tomates ou encore de la mâche, selon les chiffres de la Fédération. Plus de la moitié de la mâche produite dans l’Union européenne (35.000 tonnes par an) est ainsi produite dans la région nantaise. « On ne dit pas que le métam-sodium est un produit anodin », a souligné M. Retière, mais « il n’y a aucune dangerosité pour les consommateurs », a-t-il insisté. Un point que confirme Dominique Deniaud, porte-parole de la Confédération paysanne, hostile par ailleurs à l’utilisation de ce produit, qui précise que cette substance, très volatile, ne laisse de traces ni dans le végétal, ni dans le sol. Seuls les agriculteurs qui appliquent le produit et les riverains des exploitations sont donc susceptibles d’être intoxiqués. « Des problèmes avec ce produit-là, il y en a de très nombreux, c’est assez fréquent, mais c’est toujours tu », a néanmoins déclaré à l’AFP M. Deniaud. Il a évoqué « un vrai chantage à l’emploi des maraîchers ».
Le métam-sodium « est une molécule qui ne laisse pas de résidus dans le sol. C’est une molécule intéressante, sauf lorsqu’il y a un incident », a encore expliqué M. Retière. Ce sont effectivement des manquements à la stricte réglementation qui encadre le produit, couplé à un climat inhabituellement chaud et sec, qui auraient causé les plus de 70 intoxications signalées dernièrement dans le département du Maine-et-Loire. « Le métam-sodium fait partie des substances actives les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement identifiée dans le plan d’actions national sur ‘les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides’, pour lesquelles le gouvernement a demandé une revue scientifique par l’Anses », soulignent toutefois les ministères de la Santé, de la Transition énergétique et de l’Agriculture dans un communiqué conjoint. La suspension au niveau national est « une sage décision pour la santé des agriculteurs et des citoyens », ont réagi des députés LREM des Pays de la Loire, dont Matthieu Orphelin, dans un communiqué. « Il faut maintenant accompagner les acteurs dans le déploiement rapide des alternatives existantes ». L’Anses doit se prononcer sur l’utilisation de ce produit fin novembre, soulignent-ils. « Pour la saison, la campagne d’utilisation est pratiquement terminée, donc ce n’est pas là que les enjeux sont les plus importants mais pour les années à venir », a estimé Christian Durlin, vice-président de la commission environnement de la FNSEA, et agriculteur dans le Pas-de-Calais. Mais en cas d’interdiction définitive, comme le réclament les ONG France Nature environnement et Génération futures, M. Durlin craint une nouvelle « distorsion » de concurrence avec les agricultures des pays voisins de la France. Des alternatives existent et sont déjà largement utilisées par les agriculteurs, mais les maraîchers ont insisté sur leurs contraintes. La solarisation, qui consiste à utiliser la chaleur du soleil pour désinfecter les sols, est ainsi limitée en raison du climat en Loire-Atlantique, tandis que la désinfection à la vapeur est très gourmande en temps et en carburant.