Un barrage, ça va. Trois barrages, bonjour les dégâts…

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Isolément, l’incidence des retenues sur les milieux aquatiques peut être limitée, mais qu’en est-il de leurs impacts cumulés, à l’échelle des bassins versants ? Deux nouvelles publications de novembre 2017, éditées par l’AFB, apportent des éléments de réponse.

La première publication est une expertise scientifique, qui fournit un état de l’art des connaissances sur l’impact des retenues et sur les outils permettant de les évaluer, à l’échelle d’une retenue et en cumulé sur un bassin versant.Réalisée entre 2014 et 2016, elle a mobilisé une quinzaine d’experts scientifiques de disciplines variées (hydrologie, qualité de l’eau, hydromorphologie, écologie), ce qui a permis de traiter l’ensemble des compartiments impactés.

Les impacts des retenues, conclut l’étude, se cumulent d’amont en aval pour l’hydrologie, avec une réduction des flux tout au long du réseau hydrographique et jusqu’à la mer.

Pour ce qui concerne le transport solide, les retenues constituent dans la plupart des cas des pièges à sédiments, notamment pour ce qui concerne la charge grossière. Toutefois, le déficit en sédiment induit en aval peut parfois, selon le contexte et si le substrat le permet, conduire à une incision du lit qui compense en partie ce déficit. Dans l’ensemble toutefois, un réseau de retenues limite la propagation des sédiments à l’aval.

Pour les éléments chimiques, pour lesquels l’eau constitue un vecteur, l’influence d’un réseau de retenues sur le cours d’eau aval est plus complexe, et peut s’exprimer à la fois en termes de concentrations, de spéciation et de flux, selon que l’on s’intéresse à un effet cumulé sur les flux à l’échelle du bassin versant tout entier (qui peuvent s’additionner comme en hydrologie) et/ou aux effets sur la qualité de l’eau (spéciation et concentrations) dans le milieu aquatique en aval.

Le cas de l’écologie est plus complexe. La présence de retenues déconnecte au moins pour partie les différents tronçons de cours d’eau du bassin versant mais génère en revanche de nouvelles connexions entre habitats courants et milieux stagnants, et affecte ainsi la dynamique de dispersion des espèces. Là aussi, l’influence d’un réseau de retenues dépend donc du fait que certains affluents (voire d’autres structures paysagères comme des haies, forêts humides…) maintiennent ou non de façon suffisante une connexion pour permettre les échanges nécessaires au maintien des espèces (métapopulations et métacommunautés).

De plus, la présence des retenues affectent la temporalité de l’hydrosystème : les flux transférés dans le système (eau, nitrate, différentes formes du phosphore, sédiments grossiers) évoluent non seulement pour ce qui est du cumul (à l’échelle annuelle par exemple), mais aussi en ce qui concerne la dynamique temporelle. Cette évolution est liée notamment aux dynamiques de remplissage de la retenue et de prélèvement dans la retenue pour l’eau, à la dynamique des crues pour les sédiments, et à la dynamique saisonnière pour les paramètres physico-chimiques. Cette évolution peut parfois se traduire par un effet de décalage dans le temps, par un amortissement de la variabilité temporelle, ou au contraire son accentuation. L’amplitude du signal est également souvent affectée. En présence de plusieurs retenues, ces évolutions, atténuations/amplifications, sont à raisonner à l’échelle du paysage et leurs conséquences sur les organismes évaluées.

L’expertise a mis en évidence la nécessité de prendre en compte les temps longs dans l’analyse, qu’il s’agisse de l’ajustement morphologique des cours d’eau, de la mobilité de certains éléments chimiques stockés comme le phosphore ou les pesticides, ou l’évolution des populations des organismes liés au milieu aquatique.

La deuxième publication de l’AFB sur ce sujet est un numéro (n° 50) de la revue Rencontres, qui dresse la synthèse de trois colloques régionaux tenus à Nantes, Montpellier et Agen en décembre 2016.

Lire l’expertise scientifique

Lire le numéro 50 de Rencontres