Rhinocéros, gorilles, lions… L’extinction de masse des animaux s’accélère et il ne reste sans doute plus que 20 ou 30 ans pour juguler cet « anéantissement biologique » de la vie sauvage, alerte une nouvelle étude.
Plus de 30% des espèces de vertébrés sont en déclin, à la fois en termes de population et de répartition géographique, indique une étude parue le 10 juillet dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). « Il s’agit d’un anéantissement biologique qui survient au niveau global, même si les espèces auxquelles appartiennent ces populations existent toujours quelque part sur Terre », affirme l’un des auteurs de l’étude, Rodolfo Dirzo, professeur de biologie à l’Université de Stanford. Les chercheurs, d’origine américaine et mexicaine, ont dressé la carte de la répartition géographique de 27 600 espèces d’oiseaux, amphibiens, mammifères et reptiles, un échantillon représentant près de la moitié des vertébrés terrestres connus. Leurs conclusions indiquent que ces espèces reculent, à la fois en nombre d’animaux et en étendue. Ils ont analysé les baisses de population dans un échantillon de 177 espèces de mammifères de 1900 à 2015. Sur ces 177 mammifères, tous ont perdu au moins 30% de leurs aires géographiques et plus de 40% en ont perdu plus de 80%. Les mammifères d’Asie du Sud et du Sud-Est sont particulièrement touchés: toutes les espèces de gros mammifères analysées y ont perdu plus de 80% de leur aire géographique, indiquent les chercheurs dans un communiqué accompagnant l’étude. Environ 40% des mammifères – dont des rhinocéros, des gorilles et de nombreux grands félins – survivent désormais sur 20%, voire moins, des territoires sur lesquels ils vivaient autrefois.
Le cas des orangs-outans de Bornéo, révélé dans une autre étude de la revue Scientific Reports, est emblématique : leur population a chuté de 25% ces dix dernières années, malgré les efforts de conservation mis en place. Les chercheurs donnent des estimations de la densité de population par 100 km2, tombée d’environ 15 durant la période 1997 à 2002 à une dizaine en 2009-2015. Chaque année, les gouvernements et les ONG dépensent 30 à 40 millions de dollars (26,4 à 35,2 millions d’euros) pour stopper le déclin des populations sauvages. Selon les chercheurs, « ces fonds ne sont pas dépensés efficacement ». « La protection des orangs-outans se concentre sur les sauvetages et la réinsertion, mais on ne s’attaque ainsi qu’aux symptômes et non au problème sous-jacent », estime Erick Meijaard, l’un des auteurs de l’étude. Selon des études antérieures, jusqu’à 2 500 orangs-outans sont tués chaque année à Bornéo, victimes notamment de chasseurs qui les tuent pour leur viande. Pour M. Meijaard, l’extension de l’agriculture joue un rôle essentiel. « 10 000 orangs-outans vivent dans des zones qui ont été allouées par des gouvernements nationaux et locaux au développement de l’huile de palme. Si ces zones sont converties en plantations d’huile de palme, sans changements dans les pratiques actuelles, la plupart de ces 10 000 individus seront détruits et la chute vertigineuse de leur population va probablement continuer », alerte M. Meijaard.
Le déclin global des animaux sauvages est attribué principalement à la disparition de leur habitat, à la surconsommation des ressources, la pollution ou le développement d’espèces invasives et de maladies. Le changement climatique pourrait aussi y contribuer de plus en plus. Ce mouvement s’est récemment accéléré. « Plusieurs espèces d’animaux qui étaient relativement en sécurité il y a dix ou vingt ans », comme les lions et les girafes, « sont désormais en danger », selon l’étude sur « l’anéantissement biologique de la vie sauvage ». Le lion (Panthera leo), par exemple, était présent sur la plus grande partie de l’Afrique, dans le sud de l’Europe et au Moyen-Orient, jusque dans le nord-ouest de l’Inde. Il est désormais réduit à des populations éparpillées en Afrique sub-saharienne, avec une population résiduelle dans la forêt de Gir » (ouest de l’Inde). « Une immense majorité des populations de lions a disparu », indiquent les auteurs. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il ne reste plus que 20 000 lions dans le monde. Cette « perte massive » en termes de populations et d’espèces « est un prélude à la disparition de nombreuses autres espèces et au déclin des écosystèmes qui rendent la civilisation possible, avertit l’auteur principal de l’étude, Gerardo Ceballos, de l’Université nationale autonome du Mexique. La sixième extinction de masse est déjà là, et la fenêtre de tir pour agir efficacement est très étroite, sans doute deux ou trois décennies au maximum ».