La gestion de la crise de la brucellose que portent les bouquetins du massif du Bargy (Haute-Savoie) continue de susciter des polémiques. L’ONCFS, l’INRA et le MNHN viennent de tester un vaccin.
Entre les tenants de l’éradication totale de la population de bouquetins et les scientifiques, pour qui ce remède, outre qu’il serait inefficace, serait pire que le mal parce qu’il favoriserait une dissémination de la souche de brucellose, la polémique fait toujours… rage. Pendant ce temps, la recherche en vue de résoudre la crise par la voie vaccinale se poursuit.
A la demande des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, l’Anses, l’ONCFS, l’Inra et le MNHN ont procédé, au printemps 2017, à l’expérimentation d’un vaccin contre la brucellose chez le bouquetin des Alpes (Capra ibex). L’étude conduite avait plus particulièrement pour but de comparer l’innocuité du vaccin Rev.1 par voie conjonctivale, déjà homologué chez les ovins-caprins domestiques, entre la chèvre domestique (Capra hircus) et le bouquetin des Alpes.
24 animaux adultes ont été impliqués dans cette étude, répartis en quatre lots par espèce et par sexe : 6 mâles et 6 femelles non gestantes de chaque espèce. L’expérimentation s’est déroulée au sein de la Réserve de la Haute Touche (MNHN) pour les bouquetins, et à la plateforme expérimentation infectieuse du Centre Inra Val de Loire pour les chèvres. Au sein de chaque lot, 4 à 5 individus ont été vaccinés, puis placés au contact d’un ou deux autres animaux de même sexe, non-vaccinés, qui ont joué le rôle de témoins. Ces animaux ont ensuite été suivis pendant 90 jours au cours desquels des examens cliniques et des prélèvements réguliers ont été effectués pour étudier leur statut sanitaire et leur bien-être.
Les principaux résultats de l’étude :
- L’inoculation du vaccin Rev.1 a entraîné une production d’anticorps chez tous les bouquetins et chèvres vaccinés, sans effet observable sur leur santé. Pour des raisons d’éthique et de biosécurité, il n’a toutefois pas été possible de tester l’efficacité du vaccin contre la brucellose chez le bouquetin ni d’évaluer son innocuité chez les femelles gestantes, pour lesquelles on peut craindre qu’il déclenche des avortements (comme c’est déjà le cas vis-à-vis des espèces domestiques).
- Contrairement à ce que la proximité génétique entre chèvre et bouquetin pouvait laisser penser, la propagation de la souche vaccinale au sein des organes est très contrastée entre les deux espèces : on observe une distribution beaucoup plus large, plus intense et durable de la souche vaccinale dans les organes des bouquetins, ainsi qu’un risque d’excrétion plus élevé par les voies urogénitales.
Cette étude apporte certaines connaissances préalables à l’utilisation du vaccin Rev.1 in natura pour la gestion du foyer sauvage de brucellose des bouquetins1. Les résultats observés mettent en évidence un risque d’excrétion de la souche vaccinale plus important chez les bouquetins que chez les ruminants domestiques. Par ailleurs, l’administration du vaccin repose sur la capture non létale des animaux, qui est principalement réalisée au printemps, lorsque les femelles sont gestantes. Dans le cas où des avortements surviendraient suite à la vaccination, la transmission de la souche vaccinale à d’autres animaux (sauvages ou domestiques) ne pourrait être complètement écartée. Vis-à-vis de la santé de l’Homme et des troupeaux domestiques, ce risque n’est a priori pas plus élevé que celui déjà représenté par la souche sauvage qui circule actuellement dans la population de bouquetins du Bargy. Au sein des populations de bouquetins, une diffusion de la souche vaccinale pourrait cependant compliquer la surveillance du foyer sauvage de brucellose puisqu’aucun test n’existe à ce jour qui permette de distinguer les animaux non vaccinés mais séropositifs du fait de l’exposition à la souche vaccinale de ceux réellement infectés.
Un autre groupe d’experts travaille actuellement sous l’égide de l’Anses à l’évaluation de scénarios sectorisés de gestion du foyer de brucellose des bouquetins du Bargy, reposant sur une combinaison de mesures d’abattages sélectifs, massifs et/ou de vaccination.