Braconniers, photographes, pêcheurs ou simples touristes mettent en danger des animaux en piratant les balises qui servent normalement à les suivre à des fins de recherche scientifique.
Ce « cyberbraconnage » est dénoncé par Steven Cooke, biologiste à l’université Carleton d’Ottawa et grand utilisateur de ces mêmes outils pour ses études scientifiques visant à protéger certaines espèces. A travers un article publié dans la revue Conservation Biology, il cite le cas de pêcheurs dans l’Etat américain du Minnesota (nord) ayant exigé d’avoir accès aux données retraçant les déplacements de poissons, au motif que les recherches étaient financées par l’argent public. En Australie, ces outils ont permis aux autorités de localiser des requins pour les neutraliser. Et des braconniers ont tenté en Inde de pirater les puces GPS de tigres du Bengale, une espèce en voie de disparition.
Peu de données sont disponibles à ce stade pour illustrer un phénomène si « préoccupant et inattendu », selon Steven Cooke, que des scientifiques se rencontreront en juin en Australie pour trouver des parades à ce nouveau défi. Le cryptage des données et la restriction d’utilisation des outils télémétriques aux seules recherches scientifiques sont parmi les pistes avancées. La protection de l’environnement et la gestion des ressources sont autant de domaines bénéficiant de l’utilisation du système de balises électroniques. « Si le problème du cyberbraconnage n’est pas résolu rapidement, il pourrait nuire non seulement aux animaux menacés mais également à la recherche scientifique, explique à l’AFP Steven Cooke. Essayez d’imaginer toutes les façons étranges dont les gens pourraient essayer de profiter de cette technologie ». C’est lors d’un séjour au parc national de Banff, en Alberta dans l’Ouest canadien, qu’il découvre que les autorités ont interdit l’utilisation de terminaux radios après avoir surpris des photographes se servant d’outils télémétriques pour suivre à la trace des ours, des caribous des bois ou des carcajous.
Ces outils apportent un stress supplémentaire aux animaux et les mettent en péril quand ils s’habituent au contact humain. Leur comportement pourrait s’en trouver modifié et altérer de facto les recherches scientifiques. Les balises émettent un son qui peut être intercepté par un terminal radio grand public, explique le chercheur, permettant ainsi de « traquer ces animaux dans leur environnement naturel au lieu d’attendre qu’ils se dirigent vers vous ». Selon Steven Cooke, convaincre les scientifiques de restreindre l’accès à leurs données pourrait néanmoins s’avérer difficile. « Cela va à l’encontre de la philosophie » des scientifiques qui, selon lui, utilisent largement les réseaux sociaux pour partager leurs découvertes. Dans certains cas, les chercheurs financés par des fonds publics sont contraints de partager leurs informations.
Le chercheur parle aussi de « terrorisme télémétrique », en citant l’exemple de fermiers américains accusés d’avoir interféré dans la réintroduction de loups dans le parc national de Yellowstone (nord-ouest des Etats-Unis), ou encore de plongeurs aux Bahamas qui ont retiré les balises GPS de requins. Le risque est grand que des intérêts commerciaux se superposent aux enjeux de la protection. Steven Cooke raconte ainsi avoir recueilli le témoignage d’un voyagiste spécialisé dans les safaris utilisant les balises pour repérer les animaux sauvages afin d’aller les dénicher au grand plaisir des touristes, plutôt que d’attendre patiemment près de points d’eau dans l’espoir qu’ils se montrent. Dans leur contrat, certains voyagistes proposent des remboursements partiels si leur client n’a pas vu tel ou tel animal pendant le safari. « Pour ces entreprises, il y a une forte motivation financière pour trouver des animaux de manière constante », déplore le chercheur.