Samedi 20 juillet : dans un champ de blé récemment fauché près de Melle (Deux-Sèvres), quelques milliers de manifestants venus en famille protester contre l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie au moyen des « méga-bassines » font face à un gigantesque déploiement de gendarmes mobiles (3 000 robocops mobilisés). Un tir inconsidéré de grenades lacrymogènes déclenche un gigantesque incendie : dix hectares de paille de blé partent en fumée, laissant un paysage de désolation. Littéralement, une terre brûlée.
Cette terre brûlée est un puissant symbole de la situation dans laquelle nous sommes. Symbole multiple, symbole à fragmentation, à sous-munitions.
Terre brûlée, les pratiques des forces « de l’ordre » : le gradé qui a ordonné ou autorisé ce tir irresponsable était, au choix, un pervers pyromane ou un parfait abruti. Que faut-il préférer ? Sera-t-il seulement sanctionné ?
Terre brûlée, l’état du débat démocratique quand un gouvernement résiduel, lourdement désavoué par le peuple, gesticule comme un canard sans tête et s’obstine à criminaliser les défenseurs du vivant, les paysans qui récusent l’engrenage mortifère de l’agro-business, et tous ceux et celles qui exigent que la gestion d’un bien commun vital, l’eau, soit démocratiquement débattue.
Terre brûlée, l’état du code de l’environnement, après sept ans de détricotage méthodique.
Terre brûlée, l’état de sols agricoles jadis fertiles, aujourd’hui épuisés par la surexploitation et la débauche d’intrants chimiques qui en éradique toute vie, nécessitant toujours plus d’intrants pour pallier leur pauvreté.
Terre brûlée, l’état d’une planète en surchauffe, où le vivant s’effondre pendant que quelques milliers d’ultra-riches hypothèquent le futur de milliards d’humains, simplement pour pérenniser leur mode de vie et leurs revenus insolents et obscènes.
A Melle, devant l’incendie, les manifestants ont sagement rebroussé chemin. L’argousin en chef sous le casque duquel a jailli l’idée brillante de balancer des grenades peut être fier de lui. Restera seulement l’image de ce champ incendié. C’est fou, ce que quelques arpents de chaume carbonisés peuvent être éloquents !