« Quand on est thon, c’est pour la vie entière, faut s’faire une raison »… En 1958, Jacques Hélian connaissait un relatif succès avec son Cha-cha-cha des thons (« avec un T comme crocodile »).
Faut-il vraiment se faire une raison ? Force est de constater que quelques décennies plus tard, la thonnerie industrielle triomphe sur les côtes françaises. Sans attendre les JO, les 60 000 km2 des Terrasses du golfe de Gascogne viennent de décrocher la médaille d’or de l’aire marine « protégée » la plus chalutée d’Europe : 200 000 heures de pêche au chalut en 2023 ! Au-delà de ce record, l’intensité de pêche au chalut – soit le nombre d’heures de chalutage par kilomètre carré – était 1,4 fois supérieure dans les aires marines protégées (AMP) qu’à l’extérieur de ces zones en 2023, et les méga-chalutiers de plus de 80 mètres opèrent tous dans les AMP européennes… en toute légalité : aucune activité de pêche n’est prohibée dans ces zones « protégées ». Protégées de quoi, du coup ? Des avalanches ? Du vent de sable ? Des embouteillages automobiles ?
Pourtant, dans une article publié la semaine dernière, dans la revue Scientia Marina, un chercheur norvégien révèle qu’il a analysé 200 études scientifiques : aucune ne fait état de pertes nettes pour les pêcheries voisines des zones véritablement protégées à travers le monde. La plupart mettent au contraire en évidence les bénéfices induits par ces réserves marines : augmentation des stocks, des captures et de la taille des poissons, hausse de la fécondité, etc. Surtout, les réserves marines qui fournissent les plus grands bénéfices économiques aux pêcheries sont les plus strictement protégées, et d’où la pêche est bannie.
Une autre étude, publié en janvier, met en évidence le bilan très clairement négatif de la pêche industrielle, notamment des chaluts de plus de 24 mètres, qui cumulent les tares écologiques, économiques et sociales : destruction des fonds marins, surexploitation des espèces pêchées, captures massives de juvéniles, faible capacité à créer de l’emploi, faible valeur ajoutée, fort impact carbone et importantes émissions de CO2. Pour un même niveau de capture, ils créent 2 à 3 fois moins d’emplois et presque 2 fois moins de valeur ajoutée que les pêcheurs artisanaux.
Pourtant, ce sont ces navires de guerre poissonnière que l’on accueille avec empressement dans les aires protégées. Qu’en conclure, sinon que les thons sont au pouvoir, et que ça ne risque guère de s’arranger ?