Où passe la frontière entre la roublardise -qu’en politique on appelle « habileté » – et le mensonge d’État qui ruine ce qu’il reste de confiance dans la parole des institutions et sape la démocratie ?
Samedi dernier, pendant que se déroulait la manifestation contre le calamiteux projet d’autoroute A 69 entre Castres et Toulouse – dont 2 000 scientifiques ont souligné le caractère écocidaire- la préfecture du Tarn a ouvert grand la boite à mensonges… sans craindre le ridicule.
« 2 400 personnes ont participé au cortège de la manifestation » écrit le Préfet dans un communiqué. S’il est toujours difficile de dénombrer une foule, ce chiffre de 2 400 participants paraît totalement incohérent, ne serait-ce qu’avec le nombre de véhicules stationnés sur les parkings improvisés sur le site. Mais la suite vaut d’être dégustée : « 2 500 individus radicaux, qui étaient presque tous cagoulés, vêtus de noir, casqués, portant des boucliers, des bâches noires et des parapluies, se sont détachés du cortège déclaré pour commettre des exactions ». Par quel miracle mathématique 2 500 individus peuvent-ils se détacher d’un cortège de 2 400 personnes ?
Ces épouvantails tout de noir vêtus et lourdement armés… de parapluies auraient, selon le Préfet, « dégradé une cimenterie et y ont déclenché un incendie. Après avoir été entravés par les manifestants, qui ont été repoussés par les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers sont intervenus sur le lieu de l’incendie ». La réalité est tout autre. Quelques centaines de manifestants – dont une petite minorité accoutrés de noir et masqués- se sont en effet rendus devant la cimenterie, dans laquelle quelques-uns ont pénétré. Un Algéco et trois véhicules ont été incendiés. Puis tout le monde est reparti sagement, sans rencontrer un seul policier -alors que les forces de l’ordre étaient omniprésentes sur le site- ni un seul pompier. Les uns et les autres ne sont arrivés que bien après le départ des manifestants. Comme s’il était urgent de laisser l’incendie se répandre. Il est vrai que cela fait de belles images pour étayer les propos bellicistes du ministre de l’Intérieur.
Pour l’historien américain Timothy Snyder, « la post-vérité -celle que pratique quotidiennement le gouvernement à propos de ce projet d’autoroute- c’est le pré-fascisme ». Que dire de la post-mathématique ?
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