Les manœuvres conduites par les malfrats de l’agro-industrie pour aboutir à la ré-autorisation, pour 10 ans, du glyphosate dans l’Union européenne méritent d’être enseignées dans les écoles de lobbying.
D’abord, générer le doute. Le Centre international de recherches du le cancer (CIRC), une agence indépendante émanant de l’ONU, a classé cet herbicide très largement répandu (notamment en France) parmi les substances « cancérogènes probables ». Pour parvenir à cette conclusion, le CIRC s’est basé sur plus de 1000 études produites par des laboratoires universitaires ou des instituts de recherche indépendants. En France, une étude collective de l’INSERM met en évidence les dangers du glyphosate en matière de génotoxicité (toxicité pour l’ADN), de neurotoxicité (toxicité pour le cerveau), de reprotoxicité (toxicité pour la reproduction) et les effets de perturbation endocrinienne, ou encore la mitotoxicité (toxicité pour la respiration cellulaire) ou la toxicité pour le microbiote. Rien que ça.
Pour les promoteurs du glyphosate, l’industriel allemand de la chimie Bayer et le Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA, dont la branche française est la FNSEA), il y avait urgence à trouver des « scientifiques » prêts à affirmer le contraire. Et pour cela, le plus sûr était de fixer des règles du jeu tellement restrictives que le résultat était assuré : les agences européennes chargées d’évaluer la toxicité des molécules de phytosanitaires ne peuvent se fonder que sur des données fournies par les industriels eux-mêmes. Et personne ne peut vérifier leur travail : ces données sont couvertes par le secret des affaires. Brillant, non ?
Mais pas tout à fait suffisant. Le deuxième étage de la fusée a consisté à diluer la décision. Admirez : sur la base des évaluations de ses agences, la Commission européenne a proposé de réautoriser le glyphosate pour dix ans. Cette option n’aurait pu être battue en brèche que par une majorité qualifiée d’États-membres. Or les plus importants (Allemagne, France, Italie) se sont courageusement abstenus. Voilà donc une arme de destruction massive des écosystèmes et de la santé humaine autorisée pour dix ans, et personne, formellement, n’en a pris la décision. La commission a proposé. Les États ne sont pas parvenus à un accord. Tout le monde fait mine de regretter le résultat, et le ministre français de l’écologie répand ses larmes de crocodiles avant re refermer le dossier.
A côté de ces artistes de l’influence, Machiavel était un nain.