« Frères humains qui après nous vivez / N’ayez vos cœurs contre nous endurcis… »
Lorsque paraît la Ballade des pendus, les générations futures invoquées se préoccupent assez peu du désordre climatique ou de l’effondrement de la biodiversité. Il est vrai que nous sommes en 1489… Pourtant, François Villon juge nécessaire d’implorer leur pardon et, visant même un cran plus haut, celui de Dieu en personne : le vers « Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre » revient comme un mantra à la fin de chaque strophe.
La miséricorde divine et celle de nos descendants nous seront-elles acquises, à nous qui, sciemment, continuons à ravager les sols naguère fertiles en y déversant des milliers de tonnes de produits biocides, de saturer toujours plus l’atmosphère de gaz à effets de serre, et de différer au nom de notre voracité consommatrice les bifurcations que nous savons nécessaires ?
L’affaire est jugée suffisamment grave pour que l’avant-garde déjà née des « générations futures » s’en préoccupe : six jeunes Portugais, âgés de 11 à 24 ans, ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme au motif que l’inaction climatique des 27 membres de l’Union européenne viole leur « droit à la vie », inscrit dans la Convention européenne des droits de l’Homme.
De son côté, le Conseil constitutionnel français vient de rappeler que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Cet arrêt n’est pas d’une hardiesse folle, il ne fait que reprendre les termes de la Constitution. Mais depuis que cet article y a été introduit (c’était en 2005), personne n’avait songé à s’y référer…
Désinhibé sans doute par la position des « Sages », un tribunal administratif, celui de Strasbourg, a suspendu la semaine dernière la création d’une poubelle de déchets radioactifs, en s’appuyant à son tour sur ce principe constitutionnel.
Ces quelques pas timides nous gagneront-ils la mansuétude de nos descendants ? Nous vaudront-ils à tout le moins des circonstances atténuantes ? Les plus optimistes peuvent le penser. Malgré tout, pour celleux qui y croient, il reste prudent de « prier Dieu que tous nous veuille absoudre »…