Application, piège à cons !

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«Mettez-vous du côté des gens» : lors du premier Conseil des ministres de 2023, le président de la République a enjoint à son gouvernement d’être plus en empathie avec les Français. De les écouter. De répondre mieux à leurs attentes.

De toute évidence, ce jour-là, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité avait piscine !

Cinq jours plus tard, elle dévoile le « plan sécurité à la chasse » du gouvernement, qui fait suite à toute une série d’accidents mortels. Ça tombe bien, « les gens » expriment sur ce sujet une attente très précise et massive : à 78 % ils souhaitent que le dimanche soit désormais un jour sans chasse (étude IFOP, décembre 2022). Année après année, ce chiffre est constant depuis 2016. Les ruraux (75 %), les urbains (76 %), les habitants de la région parisienne (88 %) sont du même avis. Voilà donc une magnifique occasion de se « mettre du côté » de près de 80 % « des gens ».

Eh bien non. Dans un fatras de mesurettes floues, difficilement applicables, ou d’une déconcertante évidence (il est désormais interdit de chasser bourré !), cette mesure simple ne figure pas. Pourtant, demander aux chasseurs de renoncer un jour par semaine à leur pratique ne paraît pas excessif. En outre, 30 % des gâchettes françaises ont plus de 65 ans, et plus de la moitié plus de 55 ans : pour cette population vieillissante et majoritairement retraitée, le dimanche est un jour comme un autre. Alors que pour l’écrasante majorité des non-chasseurs, c’est le seul jour où ils peuvent profiter de la nature, et où ils devraient pouvoir le faire en toute sécurité.

Voilà une occasion manquée pour le gouvernement, mais aussi… pour les chasseurs ! En acceptant cette mesure peu coûteuse, voire en la revendiquant, ils auraient pu redorer l’image de leur loisir et montrer leur sens de la responsabilité. Et même, qui sait, inverser l’inexorable déclin de la chasse : 2,2 millions de pratiquants en 1975, 1 million aujourd’hui. Cette opinion est d’ailleurs partagée par certains chasseurs et quelques-uns de leurs représentants, hélas trop discrets.

Le gouvernement a préféré donner des gages à la fraction la plus radicale de l’extrême-chasse, et à son président Willy Schraen, imprécateur vociférant au comportement trumpo-bolsonariste. Dommage…

A la place de l’abstinence dominicale, le gouvernement a inventé une application pour téléphone mobile censée permettre aux chasseurs de signaler leur position et aux promeneurs de les éviter. Encore faut-il qu’il y ait du réseau, ce qui n’est pas partout le cas en pleine nature. Encore faudrait-il que les chasseurs individuels prennent la peine de se signaler, ce qui ne sera pas obligatoire. Les effets pervers d’une telle mesure sont évidents : en cas d’accident, le chasseur le plus irresponsable n’hésitera pas à se dédouaner en invoquant le fait que la victime aurait dû s’informer. A l’inverse, le randonneur prudent qui aura consulté son smartphone pourra éprouver un sentiment de sécurité excessif et abaisser sa vigilance, même si à son insu quelque chasseur technophobe -ou juste un peu beauf- rôde dans les parages.

Application, piège à cons !