Il faut vous le dire comment ?

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Bien sûr, la guerre à nos portes. La menace nucléaire. Le chaos et le malheur froidement administrés…

La démocratie doit-elle suspendre son cours ? L’imaginer serait donner sans combattre la victoire aux forces du mal, aux totalitarismes.

Débattre donc, mais de quoi ? Dans la frénésie sondagière du moment, une étude risque fort de passer inaperçue : elle indique pourtant, bien au-delà de toute marge d’erreur, ce que sont les préoccupations -parmi d’autres, certes- de nos concitoyens. Le croirez-vous ? Celles-ci ne recoupent en rien les fixettes rituelles des candidats qui tentent de faire campagne. Jugez-en : 76 % des Français considèrent que la protection de leur santé et la protection de l’environnement sont liées. 81 % se disent « favorables à l’interdiction rapide des pesticides dangereux pour la santé ou l’environnement, même si cette interdiction rend plus difficile le travail des agriculteurs ». De tous les candidats qui se sont précipités pour tâter le cul des vaches à la porte de Versailles, lequel a seulement fait mine de l’envisager ?

On continue ? 75 % des personnes interrogées jugent « légitime de protéger les grands prédateurs présents en France (ours, lynx et loups) ». 81 % se déclarent « favorables à ce qu’en France, la chasse soit interdite pour toutes les espèces en danger ou menacées, sans exception ? » (53 %, une majorité absolue donc, « très favorables »). A-t-on entendu Mme Pécresse ou M. Mélenchon aborder ces questions ? 74 % estiment que l’éducation à la nature et à l’environnement est insuffisamment développée en France. Dommage : tout occupé qu’il était à chasser le wokiste et l’islamo-gauchiste comme d’autres le dahu, le ministre de l’Éducation du candidat-président a omis de s’en préoccuper.

Si l’ampleur de ces chiffres peut (en tout cas, devrait) interpeller, le sens général de ce sondage ne surprendra guère : invariablement, toutes les études d’opinion vont dans le même sens. Et invariablement, les politiques parlent de tout autre chose.

Soyons juste : les médias ne les interpellent guère non plus… Ils analysent gravement un demi-point en plus ou en moins dans les intentions de vote d’une telle ou d’un tel, mais restent indifférents à des chiffres aussi massifs. Ce sondage-là est pourtant tout aussi sérieux que ceux consacrés aux intentions de vote : réalisé par l’IFOP sur commande de huit ONG (France Nature Environnement, LPO, Humanité & Biodiversité…), avec méthode des quotas, échantillon représentatif de 1003 personnes, stratification géographique, et tout et tout…

Le 10 avril au soir, médias et politiques déploreront sans doute, à l’unisson, la faiblesse de la participation électorale.

Tant qu’ils resteront sourds aux attentes des citoyens, leurs larmes resteront de crocodiles (espèce menacée, by the way).