Dans le Var, les chasseurs veulent défendre une « ruralité malmenée »

jacqueline macou de Pixabay

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jacqueline macou de Pixabay
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Dans le Var, les chasseurs se sentent comme une espèce menacée face à un « discours radical venu des villes » et au « rouleau compresseur des réseaux sociaux et des médias ». Mais, dans cette présidentielle, ils entendent défendre leur rôle dans « une ruralité malmenée ».

« Nous serons attentifs, nous avons le pouvoir de peser », ajoute auprès de l’AFP Bruno Giaminardi, directeur de la Fédération des chasseurs du Var, rappelant que plus d’un million de personnes en France traquent sangliers, chevreuils, faisans ou perdrix.  Fin février, sous un ciel gris et plombé, le patron des 15.000 chasseurs du Var, département très touristique sur le littoral mais encore très rural dans l’arrière pays, a donné rendez-vous à Montfort-sur-Argens. Accompagné de Jean-Noël Philibert, technicien cynégétique, il veut démontrer l’impact positif de la chasse pour la biodiversité, via l’éco-contribution.  Sur les 95 euros payés chaque année par chaque chasseur pour revalider son permis, cinq euros sont prélevés pour cette contribution, auxquels l’Etat ajoute 10 euros.   Dans les collines qui surplombent ce village de quelque 1.500 habitants, cet argent a permis de nettoyer des parcelles de pinèdes devenues de véritables maquis: « La forêt, quand elle n’est pas entretenue, c’est zéro côté biodiversité, c’est juste un nid à sangliers », insiste M. Giaminardi.  Dans cette zone classée Natura 2000 -un label de protection européen pour préserver la biodiversité-, c’est tout un paysage de restanques abandonnées qui a été ressuscité, avec ses oliviers, ses buissons de genévrier ou ses chênes kermes.

« Premiers écologistes de France »

« L’idée est de laisser 30% des arbres ou des buissons et de libérer ces pelouses sèches où vont pousser herbacées et légumineuses sauvages », explique M. Philibert: « Tout ça va recréer ce cortège vertueux entre insectes, lézards, petits rongeurs, chauves-souris, perdrix et lapins. Qui eux même vont attirer des rapaces comme les aigles ou les grands-ducs ».  Plus haut, dans ce massif des Bessillons, une autre technique est mise en oeuvre: la coupe de taillis par cloisonnement, où des bandes de quatre mètres totalement débroussaillées alternent avec des bandes de 15 m à peine éclaircies. Toujours le même but: recréer un habitat propice au petit gibier.  Les chasseurs sont « les premiers écologistes de France », plaide Bruno Giaminardi, en dénonçant ces politiques et citadins « déconnectés des réalités », selon lui. « Même notre ministre elle nous dézingue », regrette-t-il.  Après le récent accident de chasse dans le Cantal, lors duquel une randonneuse de 25 ans a été tuée par une balle perdue d’une chasseuse de 17 ans, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a proposé de « réfléchir » à une possible interdiction de la chasse aux mineurs et à « des jours sans chasse territoire par territoire ».  « Les écologistes, c’est comme les sangliers, c’est des opportunistes », accuse Antoine Torres, 70 ans, président de la société de chasse de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, toujours dans le Var, en leur reprochant d’utiliser ce drame à des fins politiques.

2,5% de chasseuses

« Ils ont sauté à pieds joints dessus, ils veulent imposer leur façon de voir sans tenir compte des traditions », s’insurge-t-il auprès de l’AFP, craignant que seules survivent « les chasses industrielles et ces domaines privés où les actionnaires paient 1.500 euros par an pour tirer », contre 100 euros la carte dans les sociétés de chasse communales.  « C’est un mouvement de société, ce n’est pas que la chasse qui est visée, c’est toute la ruralité qui est malmenée », craint M. Giaminardi. Pourtant les chasseurs ont beaucoup évolué ces dernières années, plaide-t-il, avec par exemple la création de commissions de sécurité « pour faire le ménage » et écarter les brebis galeuses: « Avant c’était l’omerta », concède-t-il.  Quant au permis de chasser, ce n’est pas une formalité, avec un taux de réussite autour de 80%: « C’est plus difficile à avoir que le bac »,affirme Jean-Noël Philibert.  Mais malgré la baisse du prix du permis, passé de 400 à 200 euros sous le mandat du président Macron, les candidats ne se bousculent pas. Et les chasseurs ont du mal à se renouveler, avec 15% de moins de 34 ans et à peine 2,5% de femmes.  « Chaque année, nous perdons 3 à 4% de membres, le gros des troupes a entre 50 et 70 ans », regrette Bruno Giaminardi. « Les chasseurs, c’est surtout des anciens », confirme Antoine Torres: « Moi, j’ai deux fils, et il n’y en pas un qui chasse. Petit à petit on va disparaître ».